Droit d’asile : il n’existe pas de pays « sûrs »

Aujourd’hui, l’OFPRA a annoncé l’adoption d’une liste de 12 pays d’origine considérés comme étant « sûrs » permettant de refuser « l’admission en France d’un étranger qui demande à bénéficier de l’asile »Bénin, Bosnie-Herzégovine, Cap vert, Croatie, Géorgie, Ghana, Inde, Mali, Maurice, Mongolie, Sénégal, Ukraine.]] .

La Coordination française pour le droit d’asile (CFDA) trouve très regrettable l’absence de transparence qui préside à l’établissement d’une liste française de « pays sûrs ». Compte tenu de l’importance des conséquences de cette décision, la CFDA regrette la précipitation et la non prise en compte des mises en gardes répétées des associations et du HCR. La CFDA s’était adressée le 8 avril au Président du Conseil d’administration de l’OFPRA pour s’inquiéter vivement du prochain établissement de cette liste. Elle a demandé que lui soit communiquée, pour chaque pays qui pourrait être désigné comme « sûr », la décision d’inscription sur la liste ainsi que les motivations qui auront conduit à une telle décision. Cette demande n’a jamais été prise en compte.

Sur cette liste figurent des pays déstabilisés par une crise interne, comme le Sénégal avec la région de Casamance, de pays qui conservent et / ou appliquent la peine de mort, comme le Bénin, le Ghana, le Mali ou la Mongalie, ou encore de pays où les mutilations génitales féminines continuent d’être pratiquées même si des efforts sont faits pour faire disparaître ces pratiques, comme le Ghana, le Mali, ou le Bénin.

La CFDA s’étonne qu’aient été ajoutés au dernier moment deux pays dont le taux de reconnaissance de la qualité de réfugié en 2004 est pourtant élevé : la Géorgie, avec 1600 demandes et 18 ,9% d’accord dont 16,5% par annulation du rejet OFPRA par la Commission des recours et la Bosnie Herzégovine, avec 2000 demandes et le taux d’accord de 67,4%, le plus élevé de toutes les nationalités. Au vu de ces données, l’établissement de cette liste semble avoir été guidé par des préoccupations de gestion de flux plutôt qu’une analyse objective de la situation des droits humains dans ces pays.

La CFDA s’étonne que la France soit en mesure d’établir une liste de pays d’origine « sûrs » alors que pendant de longs mois les Etats membres de l’Union européenne ont échoué à mettre au point une liste commune. Au-delà des contraintes inhérentes à toute négociation diplomatique, cet échec est significatif de la difficulté à définir le caractère « sûr » d’un pays. Ainsi, pour la France, le Mali est « sûr » mais pas pour l’Allemagne en raison de la pratique continue des mutilations génitales.

La CFDA rappelle qu’elle est opposée au concept même de pays « sûr », tout comme la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH). L’utilisation d’une telle liste suppose nécessairement une discrimination entre réfugiés en raison de leur nationalité, discrimination interdite par l’article 3 de la convention de Genève de 1951, et expose les demandeurs venant de pays considérés comme « sûrs » à être confrontés à des présomptions déraisonnables à l’encontre de la validité de leur demande, dans le cadre d’une procédure sans garanties suffisantes ni aucune aide sociale.

30 juin 2005