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Société

Demandeurs d'asile : l'Etat laisse l'ardoise aux associations

Baisse drastique des crédits alloués aux services d'aide départementaux.

Par Nathalie RAULIN
vendredi 22 juillet 2005

rance, terre d'asile ? Cette profession de foi républicaine, dont le ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, s'est récemment proposé de restreindre la portée, est mise à mal sur le terrain. Depuis le 1er juillet, l'Etat coupe les vivres aux acteurs auxquels il délègue l'hébergement et l'accompagnement d'urgence des demandeurs d'asile et autres populations vulnérables. Plusieurs directions départementales des affaires sanitaires et sociales (Ddass) en charge de la répartition des fonds publics affectés à l'accueil des étrangers admettent ne pas disposer des crédits nécessaires pour rembourser leurs partenaires associatifs ou privés. Au 1er juillet, les Ddass du Loir-et-Cher, du Maine-et-Loire, de la Seine-Maritime ou de la Moselle avaient épuisé ­ ou presque ­ l'enveloppe allouée pour payer les chambres d'hôtel des demandeurs d'asile. «La protestation part de l'Ile-de-France et couvre le Grand Ouest jusqu'à Nantes», indique un haut fonctionnaire. Et le malaise gagne : à en croire les associations, il manquerait au niveau national 40 millions d'euros pour couvrir les besoins cette année, dont 20 millions rien que pour Paris.

Sonnette d'alarme. La pénurie est si criante que, le 27 juin, la puissante Uniopss, qui chapeaute près de 7 000 associations intervenant dans le secteur sanitaire et social, a alerté Matignon de la «situation très grave». Dans un courrier au chef du gouvernement, Jean-Michel Bloch-Lainé, son président, avertit : «Si rien n'est fait en urgence, plusieurs milliers de personnes se retrouveront demain à la rue.» France Terre d'Asile, autre partenaire clé de l'Etat pour l'accueil des étrangers, renchérit. «Il y a eu un tournant stratégique au début de l'été, dénonce son directeur général, Pierre Henry. Dans un contexte de difficultés budgétaires, des choix sont faits sur le dos des étrangers, adultes mais aussi mineurs, comme le prouve l'amputation de plus d'un quart du budget consacré à l'accueil des mineurs isolés, signifiée le 18 juillet. Les plus cyniques d'entre nous en sont à tabler sur un hiver rigoureux et mortel pour obliger le gouvernement à débloquer l'argent nécessaire au relogement des familles qui sont en ce moment jetées dehors.» Pour toute réponse, Catherine Vautrin, ministre déléguée à la Cohésion sociale, a demandé un «état des lieux»aux préfets réunis le 13 juillet rue de Grenelle. «Des tensions existent, indiquait hier la ministre, le vrai problème est d'arriver à sortir du dispositif les réfugiés statutaires qui restent en centre d'accueil faute de logement social.» Un peu court.

Dans un rapport déposé le 6 juillet à l'Assemblée nationale, la députée UMP Marie-Hélène des Esgaulx dénonce les faux-semblants à l'origine de cette situation explosive. «L'insuffisance du nombre de places en centres d'accueil des demandeurs d'asile conduit à placer des demandeurs dans les structures d'hébergement d'urgence et à recourir au secteur privé hôtelier», précise-t-elle. Or ces dispositifs d'urgence, dont dépendent près de 19 000 personnes supplémentaires, sont financés au coup par coup, par le biais de décrets. «Jusqu'ici l'Etat avait respecté les engagements oraux pris en début d'année, indique un intervenant, on ne pouvait imaginer qu'il planterait tout le monde au milieu de l'été.»

Gagner du temps. Sur le terrain, les autorités sont embarrassées. Ni les préfets, responsables du maintien de l'ordre public, ni les Ddass, à qui incombe la prise en charge sociale des SDF, ne tiennent à voir les demandeurs d'asile camper sur les trottoirs. Du coup, chacun tente de gagner du temps. Un directeur de Ddass explique : «On laisse des ardoises un peu partout. En parallèle, on diminue les prestations aux étrangers et on renvoie les primo-arrivants vers des départements financièrement moins étranglés.» La préfecture du Loir-et-Cher a réclamé le soutien de France Terre d'Asile, s'engageant par écrit à lui rembourser dès que possible les avances consenties.

Prises en otage, les associations fulminent. «L'Etat fait sa trésorerie sur notre dos, tonne Pierre Henry. Non seulement le gouvernement trahit la parole qu'il nous a donnée en début d'année, mais il nous a contraints à lui avancer près d'un million d'euros! »

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