Lettre ouverte de la CFDA au premier ministre concernant à propos de la réforme 2003 du droit d’asile et plus particulièrement du rôle du ministère de l’Intérieur dans la procédure d’asile

Monsieur Jean Pierre RAFFARIN
Premier Ministre
TEL MATIGNON
55, rue de Varenne
75007 Paris

Monsieur le Premier Ministre,

Je me permets de m’adresser à vous au nom des organisations nationales rassemblées dans la Coordination Française pour le Droit d’Asile (CFDA) à propos de la réforme du droit d’asile et plus particulièrement du rôle du ministère de l’Intérieur dans la procédure d’asile.

La CFDA vient en effet d’apprendre l’arrivée à l’OFPRA de Monsieur Bernard Fitoussi, nommé préfet hors cadre par le Conseil des ministres le 10 juillet 2003, sans que ses fonctions ne semblent clairement définies. Au mois de juillet, le Bulletin quotidien a annoncé qu’il serait chargé auprès du directeur actuel, Monsieur Viaux, de mettre en place le projet de loi relative au droit d’asile au sein de l’Office. Le nom de Monsieur Viaux était évoqué pour la présidence du Conseil d’administration.

En outre, la CFDA a appris la nomination d’un autre préfet, Monsieur Di Chiara, chargé auprès du ministre de l’Intérieur de la coordination des services administratifs concernés par l’asile en vue de préparer l’entrée en vigueur de la nouvelle loi.

En janvier 2003, un document de travail sous forme d’avant-projet de loi modifiant la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d’asile, communiqué à la CFDA par le ministère de l’Intérieur, envisageait la possibilité de transférer la tutelle de l’OFPRA au ministère de l’Intérieur. La CFDA avait fait part de ses préoccupations concernant ce projet qui risquait d’assujettir la question de la protection des réfugiés à celle du droit au séjour, en contradiction avec la philosophie et l’application pleine et entière de la Convention de Genève de 1951.

Le projet de loi du 18 avril 2003 tel que présenté à l’Assemblée nationale, semblait abandonner l’idée d’une tutelle du ministère de l’Intérieur ou d’une co-tutelle de deux ministères sur l’OFPRA mais ne dotait pas pour autant l’Office d’une réelle indépendance. Une transformation des organes dirigeants était en effet envisagée, le Conseil d’administration de l’Office verrait ses prérogatives renforcées avec un président nommé sur proposition du ministre des Affaires étrangères chargé de prendre les orientations stratégiques. Le Conseil serait appelé à se prononcer également sur les modalités de mise en œuvre des dispositions relatives à l’octroi du statut de réfugié et de la protection subsidiaire.

La version du projet de loi adoptée par l’Assemblée nationale le 5 juin 2003 confirme le renforcement du rôle du ministère de l’Intérieur dans la procédure d’asile. La CFDA craint que l’ensemble des mesures prévues dans ce projet n’aboutisse, en fait sinon en droit, à un contrôle de l’OFPRA par le ministère de l’Intérieur. Plusieurs dispositions concourent à justifier ces craintes, la CFDA les a exposées dans son analyse du projet de loi .

L’annonce de la nomination de Monsieur Fitoussi à l’OFPRA et la mission confiée à Monsieur Di Chiara au sein du ministère de l’Intérieur renforcent les inquiétudes de la CFDA, sans qu’il s’agisse bien évidemment de préjuger à ce stade des qualités et des compétences de ces personnes.

Certes, le ministre des Affaires étrangères en s’exprimant au mois de juin à l’Assemblée nationale sur la création au sein de l’Office d’une cellule du ministère de l’Intérieur rappelait que « l’indépendance et le devoir d’asile sont au cœur de [l’OFPRA et de la Commission des recours des réfugiés]. C’est leur métier et leur fierté depuis cinquante ans et il n’est pas question de revenir là-dessus ».

Mais le renforcement du rôle du ministre de l’Intérieur dans l’ensemble du dispositif d’asile et en particulier au sein de l’OFPRA, notamment s’il peut proposer la nomination de son directeur général et si celui-ci est un préfet, nous semble démentir ces propos rassurants. Nous craignons en effet les risques de confusion entre les missions de police, de maintien de l’ordre public et de protection des réfugiés.

La CFDA souhaite connaître les intentions du gouvernement à ce sujet et vous demande de bien vouloir lui préciser les fonctions précises de ces deux préfets nommés alors que le projet de loi n’est pas encore adopté.

Dans l’attente de vous lire, je vous prie de croire, Monsieur le Premier Ministre, en l’assurance de notre très haute considération.

Le 15 septembre 2003

Patrick Delouvin
Pour le Secrétariat de la Coordination française pour le droit d’asile


Réponse suite à la lettre de la CFDA en date du 15 septembre 2003 :

PREMIER MINISTRE
LE CONSEILLER DIPLOMATIQUE

Paris, le 22 septembre 2003

FG n° 378

Monsieur,

Vous avez bien voulu appeler l’attention de M. le Premier Ministre sur la récente nomination de M. le Préfet FITOUSSI à l’OFPRA, et sur la mise en place d’une mission de coordination administrative sur la politique de l’asile en France confiée à Monsieur le Préfet DI CHIARA.

S’agissant de la mise á disposition de M. Bernard FITOUSSI, préfet hors cadre, à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, j’ai soumis vos observations au Ministère des Affaires étrangères, ministère de tutelle de l’OFPRA, le priant de vous apporter directement les éléments d’information nécessaires.

La mise en place de la mission de M. le Préfet Jean-François DI CHIARA correspond d’autre part á une décision du Premier ministre de créer un dispositif de coordination de la politique de l’asile en France, intégrant l’ensemble de ses composantes traitées en effet par de nombreux services et administrations. La cohérence de la politique de l’asile et son amélioration justifient une concertation régulière et dense entre les services de l’Etat et M. DI CHIARA est désormais chargé de l’animer. J’observe que l’audit effectué par la mission d’inspection interministérielle de juin 2002 sur le droit d’asile avait d’ailleurs recommandé la mise en place d’une structure ad hoc chargée d’assurer le travail des différentes administrations et organismes concernés et rendant compte, comme il l’est demandé á M. DI CHIARA, au cabinet du Premier Ministre.

Le rôle important des préfectures dans le fonctionnement du dispositif justifiait qu’un membre du corps préfectoral puisse être choisi pour assumer cette mission. L’expérience professionnelle de M. DI CHIARA, notamment dans l’animation des politiques interministérielles, qualifiait de surcroît particulièrement l’intéressé.

Je reste á votre disposition pour toute information complémentaire sur la préparation et la mise en oeuvre de la réforme du décret d’asile, dont je vous confirme toute l’importance. Je vous prie d’agréer, Monsieur, l’assurance de ma considération distinguée.

Serge DEGALLAIX