Retour index Europe
Rapport
de la CFDA
Février
2004
Lourdes
menaces sur le droit d'asile en Europe :
Le bilan de quatre ans de rapprochement des politiques d'asile
Version
en pdf (264 Ko)
[…]
Des gens émigrent aujourd'hui pour des raisons identiques
à celles qui ont incité des dizaines de millions
d'Européens à quitter autrefois vos rivages. Ils
fuient la guerre ou l'oppression, ou bien partent à la
recherche d'une vie meilleure sur une terre nouvelle.
Ceux
qui sont contraints d'abandonner leur foyer - les réfugiés
qui fuient pour trouver la sécurité - relèvent
de notre responsabilité collective sur le plan juridique
et sur le plan moral. Nous disposons d'un cadre légal qui
fonde cette protection, la Convention de 1951 relative aux réfugiés.
Cependant, lorsque des réfugiés sont empêchés
de demander l'asile parce qu'il ne leur est pas permis de se présenter
aux frontières, ou sont détenus durant une période
excessive et dans des conditions peu satisfaisantes, ou se voient
refuser l'entrée sur le territoire en raison d'interprétations
restrictives de la Convention, le régime de l'asile est
annihilé, de même qu'est rompue la promesse contenue
dans la Convention. Votre système d'asile doit disposer
des ressources nécessaires pour instruire les demandes
avec équité, rapidité et transparence, de
sorte que les réfugiés soient protégés
et que des solutions soient trouvées pour eux […]
Kofi
Annan, secrétaire général de l'ONU,
devant le Parlement européen, 29 janvier 2004.
Cette adresse du Secrétaire général des Nations
Unies aux représentants des citoyens de l'Union européenne
résonne, à quelques semaines de l'échéance
du 1er mai 2004 qui avait été fixée par le
traité d'Amsterdam pour la mise en place d'un système
européen commun d'asile, comme une mise en garde face aux
dérives subies par le droit d'asile en Europe. En mars 2002,
la Coordination française pour le droit d'asile (CFDA) relevait
que « les travaux que mènent les Etats membres de l'Union
européenne pour rapprocher leurs politiques d'asile - dont
les organisations non gouvernementales comme les parlements nationaux
sont souvent tenus largement à l'écart - sont déterminés
par le contrôle des flux migratoires.
Destinés
à définir des normes communes à l'horizon 2004,
ils ont prioritairement porté sur des mesures propres à
entraver l'accès des demandeurs aux procédures d'asile,
à éviter d'avoir à examiner leur demande et
à mettre en place des formules de protection au rabais »
[1]. Le constat reste pertinent : un bilan du travail mené
par les Quinze dans ce domaine au cours des quatre dernières
années montre à quel point les principes relatifs
à la protection des réfugiés ont été
progressivement écartés au nom de la recherche d'efficacité
des dispositifs de contrôle.
Un
tournant s'est opéré au sommet de Séville,
en juin 2002, au cours duquel il a été décidé
d'accorder « une priorité absolue » aux mesures
contenues dans le Plan global de lutte contre l'immigration clandestine
adopté un peu plus tôt et de donner aux questions de
migration une « place privilégiée » dans
le calendrier des travaux. C'est dans ce contexte, nourri de l'obsession
sécuritaire qui s'est imposée après le 11 septembre
2001 au nom de la lutte contre le terrorisme, que se sont poursuivis
sous présidence danoise (juillet-décembre 2002), grecque
(janvier-juin 2003) puis italienne (juillet-décembre 2003)
et actuellement irlandaise (depuis janvier 2004) les travaux de
rapprochement des politiques d'asile. Mais surtout, parallèlement
à ce processus normatif, une série de mesures ont
été décidées ou mises en place dans
les domaines du contrôle des flux migratoires et de l'éloignement
des étrangers illégaux.
La
CFDA dénonce le fait que la plupart de ces mesures dites
« opérationnelles », directement applicables
en l'absence de tout contrôle démocratique et de tout
cadre légal, pèse de façon menaçante
sur le droit d'asile.
Régime
commun de l'asile
En
application du plan d'action établi lors du sommet de Tampere
d'octobre 1999, plusieurs textes communs ont été préparés.
Quatre d'entre eux font l'objet d'un commentaire dans ce chapitre
: deux textes adoptés au début de l'année 2003
(la directive sur les conditions d'accueil et le règlement
Dublin II) et deux textes encore en discussion (la directive relative
à la qualification du réfugié et celle relative
aux procédures).
* Conditions d'accueil
Si
la directive relative à des normes minimales pour l'accueil
des demandeurs d'asile a pu être adoptée en janvier
2003, la CFDA regrette que ce soit au prix du maintien d'un grand
nombre de clauses facultatives là où la version initiale
de la Commission européenne prévoyait des normes contraignantes.
Certains Etats membres se sont effectivement montrés avant
tout soucieux de conserver leurs prérogatives, comme pour
l'accès au droit au travail pour les demandeurs d'asile (article
11). Les demandeurs sont censés recevoir une information
sur les « avantages » et leurs « obligations »
dans les 15 jours suivant le dépôt de leur demande
(article 5), et recevoir un « certificat » dans les
3 jours attestant leur statut « ou » leur autorisation
à rester. Mais il n'existe aucune obligation de remise d'une
autorisation de séjour immédiate (article 6). La Commission
a reconnu que « l'harmonisation sur la question de l'accès
au marché du travail est minimale » et qu'« aucune
harmonisation n'est prévue en ce qui concerne la question
des membres de la famille ou celle de l'accès à une
formation professionnelle » [2]. En outre, au dernier moment,
alors qu'un accord politique était intervenu entre les Quinze,
les Britanniques ont réussi à faire ajouter une nouvelle
restriction : les Etats membres peuvent limiter les conditions d'accueil
si le demandeur n'a pas introduit sa demande « dans les meilleurs
délais raisonnables » (article 16).
* Responsabilisation d'un État membre
Le
règlement dit « Dublin II » sur les critères
permettant la détermination de l'Etat membre responsable
d'une demande d'asile, adopté en février 2003, introduit
quelques assouplissements en matière de réunification
des familles et de délais de procédure [3]. Mais il
maintient les principes posés par la convention de Dublin
qui interdit au demandeur d'asile le choix de son pays d'accueil
et qui permet à tout Etat membre de l'envoyer vers un Etat
tiers hors de l'Union (article 3). L'opposition entre la France
et le Royaume-Uni sur l'existence du centre de Sangatte a trouvé
son prolongement dans ce règlement. La CFDA constate
que les Etats membres, déjà incités par la
Convention de Dublin à contrôler leurs frontières,
seront désormais fortement dissuadés par Dublin II
de tolérer sur leur sol des demandeurs d'asile potentiels.
Un Etat membre sera en effet responsable de l'examen si le demandeur
y a séjourné « au moins cinq mois » avant
l'introduction de sa demande (article 10).
L'application
de Dublin II est facilitée par l'entrée en vigueur
en janvier 2003 du règlement Eurodac, qui permet de stocker
et de comparer à cette fin les empreintes dactyloscopiques
non seulement des demandeurs d'asile, mais de tout étranger
appréhendé à l'occasion du franchissement d'une
frontière extérieure ou en situation de séjour
irrégulier dans l'un des Etats membres, et ce à partir
de l'âge de 14 ans. De même, l'entrée en vigueur
en septembre 2003 de DubliNET vise à faciliter la mise en
oeuvre de Dublin II : il s'agit d'un réseau électronique
permettant aux administrations nationales chargées de l'examen
d'une demande d'asile de s'échanger les données relatives
aux demandeurs afin de déterminer l'Etat responsable. Enfin,
selon la nouvelle rédaction de l'article 25 de la directive
relative aux procédures d'examen d'une demande d'asile, l'ensemble
des Etats membres (plus la Norvège et l'Islande) «
devront » rejeter une demande d'asile entrant dans le champ
du règlement Dublin II, alors que initialement, la Commission
envisageait seulement une possibilité de rejet.
* Statut de réfugié et protection subsidiaire
La
proposition de directive établissant des normes minimales
relatives aux conditions [à remplir] pour pouvoir prétendre
au statut de réfugié [ou à] une protection
internationale est encore en discussion. Du fait du blocage de l'Allemagne
concernant les droits accordés aux bénéficiaires
de la protection subsidiaire (regroupement familial, accès
à l'emploi), le délai d'adoption fixé à
Séville pour juin 2003 n'a pas été respecté.
Actuellement, cette proposition de directive est bloquée
au Conseil des ministres du fait des désaccords entre les
gouvernements européens. Si les Etats membres semblent désormais
d'accord pour écarter de la définition du réfugié
toute distinction fondée sur l'origine étatique ou
non étatique de l'auteur des persécutions, la notion
de « protection subsidiaire », et surtout la question
des droits qui en découlent, constitue toujours un point
de discordance.
Deux
notions introduites par la proposition de directive (et faisant
l'objet d'un consensus parmi les Etats membres) paraissent particulièrement
inquiétantes : d'une part, la vérification d'une possibilité
d'asile interne, à savoir qu'une personne menacée
dans une région de son pays pourrait trouver asile dans une
autre région, au lieu de le demander à l'étranger
; d'autre part la recherche d'une éventuelle possibilité
pour le requérant de demander protection à tout autre
acteur que son Etat, à savoir un parti ou une organisation
qui contrôlerait une partie substantielle de son territoire.
La
CFDA considère que l'introduction de ces notions risque de
priver de nombreux demandeurs de toute protection alors que des
exemples récents ont prouvé que la possibilité
d'une option d'asile interne n'est pas une forme de protection suffisante
et durable [4] ; seuls les Etats internationalement reconnus peuvent
offrir une telle protection effective à leurs ressortissants,
ce n'est pas le cas d'un parti politique, de puissances occupantes,
ou des groupes armés.
* Procédures d'asile
La
Commission européenne a rédigé en septembre
2000 une proposition initiale de directive concernant la procédure
d'octroi et de retrait du statut de réfugié mais les
Etats membres ont désiré un texte moins détaillé
et moins contraignant. La Commission a dû remanier en grande
partie sa copie et a remis une proposition modifiée en juillet
2002. A Séville les chefs d'Etat et de gouvernement ont demandé
que la directive soit adoptée avant la fin de l'année
2003 et ils ont réitéré leur demande en octobre
2003. Les Quinze n'ont néanmoins pas encore réussi
à se mettre d'accord et les négociations semblent
actuellement dans l'impasse.
Ce
document de la CFDA commente la proposition de directive dans sa
version provisoire Asile 66 du 4 décembre 2003.
La
CFDA déplore l'évolution de ce texte qui a vu diminuer
les garanties fondamentales pour les demandeurs d'asile et s'accroître
le nombre des notions de « pays d'origine sûr »,
de « pays tiers sûr » et « pays tiers voisin
sûr » pour lesquelles l'examen des demandes sera moins
rigoureux. De plus, les clauses de statu quo permettront aux Etats
membres de maintenir, malgré l'adoption de la directive,
des dispositions antérieures moins favorables, par exemple
concernant les demandes d'asile formulées à la frontière
et les notions de « pays sûrs ».
La
CFDA estime que chaque demandeur d'asile a droit à un examen
complet de sa demande dans le pays où il la dépose
et que le principe de l'effet suspensif des recours et du droit
de rester sur le territoire ou à la frontière d'un
Etat membre pendant l'examen de sa demande d'asile est essentiel.
Demande
à la frontière - Les garanties applicables
aux demandes formulées « à la frontière
» sont réduites par rapport aux demandes introduites
sur le territoire. Ainsi, n'y figurent pas par exemple le droit
d'être informé des décisions par écrit,
d'établir un contact avec le HCR ou une organisation ainsi
que le droit à la gratuité de l'assistance judiciaire
et à la rédaction d'un procès verbal lors de
l'entretien personnel. La liste des dispositions à respecter
lors de l'examen de la demande est considérablement rétrécie
et, en outre, certains Etats membres s'opposent à l'existence
d'une telle liste à caractère obligatoire : droit
de rester « à la frontière ou dans les zones
de transit » pendant la durée de l'examen (article
6), obligation d'informer les requérants dans une langue
« dont il est raisonnable de supposer qu'ils la comprennent
» (article 9.1 a et b), possibilité donnée d'avoir
un entretien personnel (articles 10 et 11), rédaction d'un
rapport écrit rendant compte de l'entretien (article 12),
droit de consulter un conseiller juridique (article 13.1) et garanties
pour les mineurs non accompagnés (article 15.1).
Pays
tiers « sûr » ou « voisin sûr »
et « portion sûre d'un pays » - Dans
la version Asile 66 de la proposition, un Etat membre peut conclure
à l'irrecevabilité de la demande d'asile d'une personne
provenant d'un pays tiers qu'il considèrerait comme «
sûr », sans examen ou après un examen sommaire.
L'annexe dans laquelle la Commission précisait les critères
à respecter pour qualifier un pays tiers de « sûr
» a disparu. Les Etats membres disposent d'une plus grande
marge de manœuvre, notamment du fait de l'assouplissement de
certaines conditions de renvoi vers des pays tiers : le demandeur
peut être éloigné vers un pays tiers avec lequel
il n'a aucun lien et qu'il n'a pas traversé, le caractère
« effectif » de la protection que doivent offrir les
autorités de ce pays tiers a disparu. En outre, les Etats
membres ont ajouté les notions de pays tiers « voisin
» sûr, sorte de « super » pays tiers sûr
« ayant une frontière commune avec l'Etat membre »,
et de « portion de pays tiers sûre », notions
pouvant être limitées à un « groupe déterminé
» de personnes.
Pays
« d'origine sûr » - La Commission a voulu
encadrer le recours à la notion de pays « d'origine
sûr » en établissant des critères très
précis dans une liste jointe en annexe II de sa proposition.
Dans la version « Asile 66 » de la proposition, un pays
d'origine est considéré comme sûr « lorsque,
sur la base de la situation légale, de l'application du droit
dans le cadre d'un régime démocratique et des circonstances
politiques générales, il peut être démontré
que, d'une manière générale et uniformément,
il n'y est jamais recouru à la persécution »
et qu'il ne s'y produit « aucune atteinte grave » telles
que définies par la directive qualification. Les Etats membres
se sont entendus pour mettre rapidement en place une « liste
commune minimale » de pays d'origine sûrs ; cette liste
mise en place selon la règle de la majorité qualifiée
après consultation du Parlement européen aura force
contraignante mais n'empêchera pas les Etats membres d'établir
en plus une liste « au niveau national ».
Procédure
« prioritaire ou accélérée », recours
non suspensif - Selon la proposition initiale, le demandeur
d'asile était autorisé à « rester sur
le territoire » tant qu'il n'avait pas été statué
« définitivement » sur sa demande. Dans la proposition
modifiée, ce droit a été limité à
la période d'examen par « l'autorité responsable
de la détermination » statuant « en premier ressort
». Plusieurs précisions ont été ajoutées
par les Etats membres : le demandeur a le droit de rester dans l'Etat
membre mais « aux seules fins de la procédure »
; de plus, ce droit de rester « ne constitue pas un droit
à un titre de séjour ». Une formule est ajoutée
visant à laisser aux Etats membres la possibilité
d'envoyer des demandeurs vers un autre Etat membre.
La
version « Asile 66 » entérine la notion de procédure
« prioritaire ou accélérée ». Le
délai d'examen de la demande d'asile est plus court et les
garanties accordées sont moindres : par exemple, l'effet
suspensif des recours et les délais pour les exercer sont
laissés à l'appréciation des Etats membres.
La proposition prévoit une liste très large d'une
vingtaine de motifs de mise en procédure accélérée
parmi lesquels les cas où le demandeur ne soulève
que « des questions sans pertinence », la demande est
considérée comme « infondée » parce
que le demandeur provient d'un pays d'origine ou tiers « sûr
», il a caché son identité ou donné de
fausses informations, il existe « de sérieuses raisons
de penser qu'il a détruit […] un document d'identité
» ou quand, « sans motif valable », il n'a pas
déposé sa demande « plus tôt ».
Le principe du recours suspensif était clairement affirmé
dans la proposition initiale, même s'il était assorti
d'exceptions ; dorénavant, la juridiction d'appel peut décider
que le demandeur peut rester, mais cette disposition comporte elle
aussi des exceptions.
« Externalisation » de l'asile
et enfermement des demandeurs d'asile
Parallèlement
à l'ensemble de ces travaux qui ont pour conséquence
un affaiblissement des garanties des demandeurs d'asile dont les
demandes sont traitées sur le territoire de l'Union, les
Etats membres cherchent les moyens de s'affranchir de la responsabilité
qui leur incombe en vertu de la Convention de Genève de garantir
aux demandeurs d'asile un accès à leurs procédures,
en « externalisant » l'examen de certaines demandes
hors de leur territoire national. Un projet d'origine britannique
de gestion régionale des procédures d'asile et de
« centres de traitement des demandes » installés
au-delà des frontières de l'Union a ainsi été
présenté au Conseil européen de Thessalonique
de juin 2003. La France fait partie des pays qui s'y sont opposés,
comme l'a confirmé le président de la République
à la CFDA dans un courrier du 11 juillet 2003. Si ce projet
a été effectivement rejeté, il a cependant
amené la Commission européenne à susciter «
une réflexion approfondie sur les possibilités offertes
par le traitement des demandes d'asile hors de l'Union européenne
», et certains Etats, comme la Grande-Bretagne, l'Irlande,
le Danemark ou l'Autriche n'ont pas renoncé à l'idée
de mener des projets pilotes allant dans ce sens. En outre, un certain
nombre de mesures dites opérationnelles, sans préconiser
directement l'ouverture de centres d'examen des demandes d'asile
dans les régions d'origine, s'inscrivent dans cette logique
en créant les conditions d'une externalisation de l'asile
(voir le point sur le contrôle des frontières).
Souvent
associée aux projets d'« externalisation » des
procédures, mais pas seulement, on constate par ailleurs
une tendance à généraliser un mode de «
gestion » de la demande d'asile consistant à regrouper
des demandeurs dans de mêmes lieux, voire à les enfermer.
Ceci concerne prioritairement les candidats supposés a priori
non susceptibles de bénéficier d'une protection. Articulé
avec les notions de « demande manifestement infondée
» et de « pays sûrs », l'enfermement des
demandeurs d'asile, déjà pratiqué dans certains
Etats membres ou futurs membres de l'Union européenne, est
présenté comme le moyen de faciliter leur éloignement
rapide une fois la requête rejetée. S'inscrivant dans
ce souci de rationaliser la gestion de la demande d'asile considérée
comme abusive, le HCR s'était prononcé au mois de
juin 2003 en faveur de l'installation, dans des pays adhérents
à l'Union européenne, de centres fermés pour
le traitement de certaines demandes d'asile. Le 22 janvier 2004,
il a présenté devant les ministres de l'Intérieur
des pays membres réunis à Dublin des propositions
révisées pour l'asile en Europe. Dans ces propositions
figurent notamment le regroupement dans des « centres de réception
européens », pour une gestion commune, de certaines
catégories de demandeurs d'asile, notamment ceux provenant
de pays dont les ressortissants voient régulièrement
leur demande rejetée, et ce afin de permettre « l'établissement
d'un système collectif de renvoi rapide » de ceux qui
n'auraient pas besoin de protection.
La
CFDA s'oppose fermement à toute mesure s'inscrivant dans
une logique de « délocalisation » de l'asile
qui aurait pour conséquence de généraliser
un traitement au rabais des demandes d'asile, ainsi qu'à
la mise en place, que ce soit en Europe ou hors des frontières,
de centres fermés pour demandeurs d'asile.
Politique de dissuasion des migrants et de
persuasion des États tiers
Au
Conseil européen de Séville de juin 2002 avait été
évoquée la possibilité de sanctionner, par
une mise sous conditions de l'aide au développement, les
pays tiers qui ne coopéreraient pas à la lutte contre
l'immigration illégale menée par l'Union. Si l'idée
a finalement été écartée, la responsabilisation
des pays d'origine ou de transit de migrants en route pour l'Europe
est considérée comme un axe fondamental de la politique
migratoire de l'Union. Cette question est traitée dans une
communication du 3 décembre 2002 de la Commission européenne,
Intégrer le problème des migrations dans les relations
de l'UE avec les pays tiers, qui définit les orientations
futures dans ce domaine : à long terme, « s'attaquer
aux causes profondes des migrations par la mise en place de programmes
de développement visant à éradiquer la pauvreté,
à renforcer les institutions et à prévenir
les conflits » ; à court terme, financer, « sur
la ligne budgétaire dédiée à la coopération
avec les pays tiers », des crédits supplémentaires
pour « appuyer de manière spécifique et complémentaire
l'élaboration et la mise en œuvre des accords de réadmission
».
Sur
la base de cette communication, le Conseil a proposé en mai
2003 de « veiller à ce que le dialogue s'instaure dans
le cadre des accords d'association, de coopération et autres
accords de même nature, actuels ou à venir, et aborde
l'ensemble des questions liées à l'immigration ».
Dans une communication du 3 juin 2003 [5], la Commission européenne
envisage de « proposer au Conseil une base légale visant
à l'établissement d'un programme pluriannuel de coopération
avec les pays tiers dans le domaine de l'immigration, dont l'objectif
sera de répondre aux besoins des pays tiers d'origine et
de transit dans leurs efforts en vue d'assurer une meilleure gestion
des flux migratoires, et, en particulier, de stimuler les pays tiers
dans leur préparation à la mise en œuvre des
accords de réadmission ». Elle estime que des mesures
d'incitation « visant à s'assurer de la coopération
des pays tiers dans la négociation et la conclusion d'accords
de réadmission avec la Communauté européenne
devraient être envisagées pays par pays, […]
compte tenu notamment de l'importance du pays tiers en termes de
flux d'émigration vers l'Union ».
Dans
cette logique, la présidence italienne a envisagé
lors du Conseil européen de Bruxelles des 16 et 17 octobre
2003 de mettre en place un quota d'immigrants légaux en faveur
des pays tiers ayant accepté de signer des accords de réadmission.
L'instauration de cette mesure d'incitation doit faire l'objet d'une
étude de faisabilité de la part de la Commission.
La
CFDA déplore que la notion de « coopération
» soit avant tout conçue comme un moyen de pression
pour obliger les Etats tiers à jouer le rôle de garde-frontières
de l'Union.
Cette
logique n'est malheureusement pas sans conséquences sur la
politique d'asile. Ainsi, la communication de la Commission européenne
sur la politique commune d'asile et l'Agenda pour la protection
du 26 mars 2003, invoque la « masse critique atteinte par
la Communauté en matière de protection » due
en particulier à l'utilisation abusive des procédures
d'asile et invite, en vue d'un « partage plus équitable
du fardeau et des responsabilités », à développer
une véritable politique partenariale avec les pays tiers
et les organisations internationales compétentes. Dans ce
domaine elle mentionne, se référant à l'Agenda
pour la protection proposé par le HCR, la recherche de «
modalités de répartition des responsabilités
afin de soulager la charge supportée par les premiers pays
d'asile et une coopération plus effective pour renforcer
les capacités de protection des pays qui reçoivent
les réfugiés » . L'idée étant
que des pays tiers pourraient, moyennant l'aide de l'Union, assurer
une partie de la protection due aux personnes qui aujourd'hui viennent
jusque dans les pays membres demander l'asile. Dans cette optique,
la Commission recommande que soit entreprise une réflexion
approfondie sur les « possibilités offertes par le
traitement des demandes d'asile hors de l'Union européenne
» et la réinstallation des réfugiés dans
des pays d'accueil, y compris les Etats membres en tant qu'«
instruments complémentaires » à un système
d'asile territorial efficace et équitable.
Dans
cette logique de « répartition des responsabilités
», les Etats membres se sont penchés sur la ligne budgétaire
B7-667 lors de la rencontre informelle de La Haye des 10 et 11 septembre
2003. Celle-ci a notamment pour objectif de « réaliser
un recensement, une analyse approfondie et une catégorisation
des diverses régions voisines des pays d'où sont issus
les flux de réfugiés ainsi que des pays tiers de premier
asile, et d'évaluer les conditions à remplir pour
offrir des capacités de "protection effective"
».
Contrôle des frontières
Dans
sa communication « vers une gestion intégrée
des frontières extérieures des Etats membres de l'Union
européenne » de mai 2002, la Commission européenne
définit quatre enjeux liés à la sécurité
des frontières intérieures : assurer la confiance
mutuelle entre Etats membres, lutter contre le terrorisme, garantir
un niveau élevé de sécurité à
l'intérieur de l'Union européenne, et « accroître
l'efficacité de la lutte contre l'immigration clandestine
dans le respect des principes du droit d'asile ». La
CFDA juge cette dernière réserve bien formelle car
le reste de la communication ne fait à aucun moment référence
aux moyens envisagés pour le respect de ces principes. Il
aurait au minimum été opportun de rappeler que, selon
la Convention de Genève, l'illégalité du franchissement
d'une frontière ne peut être opposée à
un demandeur d'asile. Ce silence est caractéristique de tous
les travaux européens relatifs au contrôle des frontières.
Dans
cette communication, la Commission recense ensuite les outils nécessaires
pour une gestion cohérente, efficace et commune des frontières.
Une bonne partie du dispositif actuel repose sur l'« acquis
Schengen » [6] mais l'accent, selon la Commission, doit être
mis sur « une coopération opérationnelle ne
nécessitant pas dans un premier temps de base juridique formelle
» : échanges d'officiers de liaison
avec comme objectif l'assistance et la coopération permanente
entre Etats membres en vue d'une exécution efficace des contrôles
et des surveillances, accords bilatéraux de coopération
policière pour assurer la lutte contre l'immigration
illégale et la prévention de la criminalité
organisée. Dans cet esprit, une étude de viabilité
d'un corps de garde-frontières européen
qui « exercerait de réelles missions de surveillance
aux frontières extérieures par des équipes
mixtes composées de diverses nationalités, en commençant
peut-être par les frontières maritimes (…) »
a été réalisée au cours de l'année
2002. Elle prévoit notamment la création d'Unités
de réponse rapide ayant pour mission, lors d'une
situation de crise survenue après l'immigration clandestine
massive aux frontières extérieures d'un Etat membre
« de se porter à l'aide des services nationaux des
Etats touchés ». La CFDA se demande à
quel type de « situation de crise » il est fait allusion
et regrette que l'éventualité d'un afflux massif de
migrants à une frontière soit perçue sous l'angle
de la menace qu'il représente pour les Etats, et non des
dangers que peuvent fuir ces personnes.
Des
opérations expérimentales ont été menées
aux frontières aéroportuaires en 2002 (opération
« RIO II ») avec la présence pendant un mois
d'équipes mixtes dans des aéroports de tous les pays
membres de l'Union et dans quatre pays candidats. Dans sa communication
du 3 juin 2003, la Commission émet une « appréciation
[…] positive à tous égards » concernant
les projets pilotes et les opérations conjointes des Etats
membres ayant eu lieu. Elle rappelle que toutes les initiatives
opérationnelles de ce type « doivent s'inscrire dans
le cadre institutionnel de l'Union », compte tenu du «
rôle de coordination de l'unité commune de praticiens
des frontières extérieures ». Néanmoins,
constatant des problèmes d'efficacité, elle propose
la création d'une nouvelle instance « ayant un caractère
nettement plus opérationnel ». Au Conseil JAI des 27
et 28 novembre 2003, les Etats membres se sont entendus sur la proposition
de règlement portant création d'une «
Agence européenne de gestion de la coopération opérationnelle
aux frontières extérieures de l'Union ».
En liant directement la politique de lutte contre l'immigration
clandestine à la politique de rapatriement, cette agence,
qui devra commencer ses activités en janvier 2005, aura pour
principaux objectifs de « coordonner la coopération
opérationnelle entre Etats membres en matière de contrôle
et de surveillance des frontières extérieures »
et « d'éloignement des ressortissants de pays tiers
en séjour irrégulier dans les Etats membres ».
Elle intégrera notamment l'activité de plusieurs centres
créés pour se concentrer sur la question des frontières
: frontières aériennes (centre basé en Italie),
frontières terrestres (centre basé en Allemagne) et
frontières maritimes (centres basés en Espagne et
en Grèce). Il n'est fait aucune référence aux
principes du droit d'asile dans ce règlement.
Début
2003, une opération de contrôle des frontières
maritimes, baptisée « Ulysse », associait des
patrouilles maritimes de cinq pays, dont la France, en Méditerranée
pour arraisonner les embarcations transportant des migrants irréguliers.
La Commission a souligné la « nécessité
d'instaurer un contrôle et une surveillance efficaces des
frontières maritimes extérieures de l'Union »
et a présenté en septembre 2003 une étude de
faisabilité réalisée par le CIVIPOL sur le
contrôle des frontières maritimes de l'Union européenne.
Sur la base de cette étude de faisabilité, les Etats
membres ont adopté le « Programme de mesures
pour combattre l'immigration illégale aux frontières
maritimes de l'Union européenne » lors du
Conseil JAI des 27 et 28 novembre 2003. L'objectif de ce programme
est de combattre l'immigration illégale par une coopération
accrue avec les pays d'origine, en permettant le contrôle
de navires le plus tôt possible grâce à la conclusion
d'accords avec les pays de départ des navires. De plus, le
programme prévoit de développer des opérations
de contrôle conjointes dans le port de départ ainsi
que le placement à bord des navires d'officiers de police
des deux pays afin d'« observer les passagers ». En
outre, dans une logique d'externalisation, le programme envisage
la mise en place d'opérations conjointes de retour des immigrants
irréguliers présents à bord des navires interceptés
: les « patrouilles conjointes » doivent intercepter
les étrangers clandestins et procéder à leur
identification en les renvoyant au préalable dans des centres
situés dans les ports des pays de départ.
Là
encore, en contradiction avec les conclusions relatives aux garanties
pour les demandeurs d'asile lors d'une « interception »
qui ont été adoptées par le Comité exécutif
du HCR le 9 juin 2000 et précisées le 10 octobre 2003,
aucun dispositif propre à garantir la protection d'éventuels
réfugiés potentiels parmi les étrangers interpellés
ne semble prévu (le programme ne mentionne pas le cas de
personnes souhaitant rejoindre le territoire de l'Union européenne
pour y déposer une demande d'asile). Il est pourtant
plausible d'imaginer que des demandeurs d'asile démunis de
documents de voyage tentent de franchir les frontières maritimes
(ou terrestres) de l'Union. On se souvient qu'en février
2001 un millier de Kurdes de Syrie avaient débarqué
sur les côtes varoises, pour se voir attribuer dans leur grande
majorité le statut de réfugié. Qu'en aurait-il
été des obligations de la France en matière
de protection si leur embarcation avait été interceptée
par les contrôleurs d'immigration avant leur échouage
?
La
CFDA regrette que les mesures opérationnelles visant à
exercer un contrôle des frontières à l'échelle
européenne se mettent en place en l'absence totale de mesures
visant à garantir le droit d'asile.
Politique de rapatriement et de retour
«
La crédibilité et l'intégrité des politiques
en matière d'immigration clandestine et d'asile risquent
d'être mise à mal si elles ne s'accompagnent pas d'une
politique communautaire en matière de retour des personnes
en séjour irrégulier » [7]. Ce leitmotiv des
Etats membres et de la Commission a placé la question du
retour au cœur des préoccupations des Quinze, en tant
qu'élément de la lutte contre l'immigration clandestine
et en tant que contrepartie indispensable d'une politique d'asile
commune.
Bien
que la politique européenne de retour soit antérieure
à l'harmonisation en matière d'asile et bien que les
Etats membres aient adopté dès 2001 une directive
sur la reconnaissance mutuelle des décisions d'éloignement,
la politique de retour s'établit aujourd'hui essentiellement
par des mesures de coopération opérationnelle. L'absence
de contrôle démocratique sur ces mesures est un élément
de grande préoccupation quant aux garanties pour les personnes
soumises à des risques en cas de retour. En effet, ces mesures
font rarement référence aux instruments de protection
internationale des droits de l'Homme ou à la Convention de
Genève de 1951.
Dans
sa communication du 14 octobre 2002 relative à une «
politique communautaire en matière de retour des personnes
en séjour irrégulier », la Commission s'appuie
sur les conclusions du sommet de Séville et sur le Plan global
pour estimer que « la nécessité de lutter efficacement
contre l'immigration clandestine (est) un élément
essentiel de la politique commune en matière d'immigration
et d'asile ». Elle y présente les conclusions des consultations
lancées à la suite de son « Livre vert relatif
à une politique en matière de retour » d'avril
2002, qui s'articulent autour de quatre axes fondamentaux :
*Le renforcement de la coopération opérationnelle
entre les Etats membres : échanges de bonne pratiques en
matière de retour, obtention des documents de voyage nécessaires
au retour, identification des documents, assistance des officiers
de liaison chargés de l'immigration...
* L'adoption de mesures communes telles que les
opérations de « retour communes » ou
charters européens. Selon la Commission, «
les Etats membres doivent s'efforcer de mettre en place des vols
charter communs pour les retours volontaires et forcés »,
dont la généralisation « non seulement présenterait
des avantages financiers mais adresserait aussi un signal plus fort
». Plusieurs vols charters associant au moins deux Etats membres
ont été organisés en 2003 dont un franco-allemand
vers la Côte d'Ivoire et le Sénégal et un franco-britannique
vers l'Afghanistan...
En juillet 2003, la présidence italienne a présenté
une proposition de décision du Conseil « relative
à l'organisation conjointe de vols communs pour l'éloignement
collectif de ressortissants de pays tiers séjournant illégalement
sur le territoire de deux Etats membres ou plus »,
un « projet de manuel relatif à l'organisation conjointe
de vols communs pour l'éloignement collectif de ressortissants
de pays tiers séjournant illégalement sur le territoire
de deux Etats membres ou plus », ainsi qu'une proposition
de directive « concernant l'assistance au transit, par voie
terrestre, dans le cadre de mesures d'éloignement prises
par les Etats membres à l'égard de ressortissants
de pays tiers ». A ce stade des négociations, ces propositions
(dans lesquelles il n'est fait aucune référence à
la garantie des droits des personnes éloignées) semblent
faire l'objet d'un consensus entre les Etats membres : en ce qui
concerne la première proposition, un accord politique a été
établi au Conseil JAI de novembre 2003.
Dans une communication du 3 juin 2003 sur « le développement
d'une politique commune en matière d'immigration clandestine,
de trafic illicite et de traite des être humains, de frontières
extérieures et de retour des personnes en séjour irrégulier
», la Commission souligne que « le signal fort que représente
l'échec d'une politique en matière de retour des personnes
en situation irrégulière ne doit pas être sous-estimé
». Constatant que « le principal obstacle au retour
n'est pas l'opération de rapatriement en elle-même
mais plutôt le processus d'obtention de documents de voyage
pour les personnes en situation irrégulière et sans
papiers », la Commission estime que « le VIS (système
d'information sur les visas) pourrait faciliter l'identification
des personnes sans papiers, notamment grâce à l'utilisation
d'éléments biométriques ». Le 24 septembre
2003, la Commission européenne, en étroite collaboration
avec l'ICAO (International Civil Aviation Organisation), a rédigé
deux propositions relatives aux éléments biométriques
(empreintes digitales et reconnaissance faciale) permettant d'identifier
les ressortissants d'Etats tiers sur les visas et les permis de
séjour et d'assurer « l'interopérabilité
».
* L'adoption de normes communes. Afin de mettre
en œuvre de manière efficace cette coopération
opérationnelle, la Commission préconise la création
d'un cadre juridique commun par l'adoption de normes minimales.
Elle prévoit en particulier de créer un cadre juridique
contraignant pour assurer la reconnaissance mutuelle des décisions
d'éloignement (harmonisation de la fin du séjour légal,
des conditions de détention…) avec une directive relative
à des normes minimales pour les procédures de retour
et la reconnaissance mutuelle des décisions en matière
de retour. Ces normes devraient garantir à la fois les droits
des personnes éloignées - notamment une mesure de
sauvegarde finale pour le non-refoulement de manière à
préserver le respect des obligations internationales - et
l'efficacité de l'éloignement. Cependant aucun calendrier
n'a été proposé pour l'élaboration de
ces normes. La CFDA s'inquiète de ce que des dispositifs
destinés à organiser l'éloignement des personnes
soient en passe d'être institutionnalisés en l'absence
d'instrument visant à garantir les droits des éloignés.
La directive sur la reconnaissance mutuelle des décisions
d'éloignement devait être transposée en droit
interne avant le 2 décembre 2002. Les Etats membres se sont
accordés sur un mécanisme de compensation financière
pour l'exécution des mesures d'éloignement prises
par un autre état membre. Sans harmonisation des décisions
d'éloignement et notamment de la définition des déboutés
de l'asile, la compensation financière vient permettre une
coopération basée sur le tout répressif. Les
Etats membres entendent faire reposer cette coopération sur
l'utilisation accrue du fichier SIS (dont la version améliorée
contiendra des données biométriques et aura des interconnexions
avec le VIS) qui a d'ores et déjà permis de renvoyer
bon nombre de personnes (dont des demandeurs d'asile) sur la base
d'un signalement qu'ils ignoraient et sans possibilité de
recours suspensif de l'éloignement.
La directive sur l'assistance au transit par voie aérienne
permettant de donner une base légale aux opérations
de transit entre état membre notamment pour l'usage de moyens
de coercition et le rôle des polices a été adoptée
par le conseil JAI du 27 novembre 2003. Si elle fait référence
à la Convention de Genève, elle n'établit pas
de responsabilité pour les Etats de contrôler sa bonne
application.
* Le renforcement de la coopération avec les pays
tiers constitue la toile de fond de toute la politique
de lutte contre l'immigration clandestine. En ce qui concerne les
retours, l'élément essentiel pour les Etats membres
est de parvenir à conclure avec les pays tiers des accords
de réadmission. La Commission s'est vu confier le mandat
de négocier avec un certain nombre d'Etats tiers [8] des
accords de réadmission de leurs ressortissants en situation
irrégulière ou d'autres étrangers ayant transité
par leur sol. A ce jour, quatre accords communautaires ont été
signés : avec le Sri Lanka, Hong-Kong, Macao et l'Albanie.
Avec l'accord de Cotonou signé en 2000 entre les 70 pays
ACP (Afrique Caraïbes Pacifique), l'Union européenne
impose aux Etats signataires la réadmission de leurs nationaux
et prévoit, par une clause générale, la négociation
de futurs accords pour la réadmission des étrangers
qui auraient transité par leur sol avant d'être interpellés
en Europe. Une telle clause figure désormais à l'agenda
de toutes les négociations relatives aux accords d'association
ou de coopération de l'Union européenne.
La CFDA regrette qu'aucune référence à
la Convention de Genève ou à la Convention Européenne
des Droits de l'Homme ne figure dans ces accords, qualifiés
par le Parlement européen « d'ambigus ».
Conclusion
Faisant
déjà état d'une détérioration
du droit d'asile en Europe, les précédents bilans
dressés par la CFDA [9] n'ont malheureusement pas été
infirmés par l'évolution récente des négociations
européennes. Aujourd'hui, cette détérioration
prend une tournure particulièrement inquiétante. D'une
part, les menaces à l'égard du droit d'asile que représentent
les mesures dites « opérationnelles » se confirment.
D'autre part, les Etats membres s'obstinent à refuser l'adoption
de normes communes qui seraient susceptibles d'élever leur
seuil de protection ou les garanties accordées aux demandeurs
d'asile. Guidés par les problématiques de l'«
externalisation » des procédures d'asile ou du retour
des déboutés présents en Europe, les Etats
membres s'appuient sur les projets de la Commission européenne
et du HCR pour s'affranchir du « fardeau » que représente,
à leurs yeux, la Convention de Genève de 1951.
L'accès
aux procédures d'asile des Etats membres est de plus en plus
difficile pour les personnes en quête de protection internationale.
Qu'il s'agisse de la création d'un corps européen
de garde-frontières, de la mise en place d'une Agence européenne
de gestion de la coopération opérationnelle aux frontières
extérieures de l'Union, des opérations communes de
retour ou des charters communs, l'ensemble des mesures opérationnelles
qui sont prises actuellement vont à l'encontre des garanties
qui doivent être accordées aux réfugiés
et demandeurs d'asile. Ces mesures opérationnelles, conjuguées
avec le système de Dublin II et d'Eurodac et avec les accords
de réadmission, témoignent d'une logique prédominante
de « déresponsabilisation », voire de «
délocalisation » de l'asile hors de l'Union.
Pour
les demandeurs qui arrivent sur le territoire et sont admis dans
une procédure, ce sont les notions telles que l'« asile
interne », la « protection effective » ou les
« pays sûrs » qui complètent la donne et
sapent le système de protection prévu par la Convention
de Genève de 1951.
La
CFDA dénonce l'évolution inquiétante des négociations
relatives à la politique d'asile en Europe et demande à
ce que tout soit mis en œuvre pour que les Etats membres de
l'Union européenne répondent aux responsabilités
qui leur incombent en vertu de la Convention de Genève de
1951.
Février
2004
Notes
[1]
Constat dressé à l'issue de la première rencontre
nationale pour le droit d'asile le 23 mars 2002.
[2]
Communication de la Commission du 26 mars 2003 relative à
la politique commune d'asile et l'Agenda pour la protection, COM
(2003)152 final.
[3]
Pour la France, les dispositions de ce règlement s'appliquent
toujours uniquement « au territoire européen de la
République » (article 26).
[4]
Par exemple, les « poches humanitaires » en Bosnie.
[5]
COM (2003) 323 final, Communication de la Commission européenne
du 3 juin 2003 sur le développement d'une politique commune
en matière d'immigration clandestine, de trafic illicite
et de traite des êtres humains, de frontières extérieures
et de retour des personnes en séjour irrégulier.
[6]
Déclaration d'entrée sur le territoire européen
pour les étrangers, modalités de délivrance
de visas, consultation du fichier SIS (Système d'Information
Schengen) lors de toute interpellation…
[7]
Communication de la commission du 3 juin 2003 sur le développement
d'une politique commune en matière d'immigration clandestine,
de trafic illicite et de traite des être humains, de frontières
extérieures et de retour des personnes en séjour irrégulier,
COM (2003) 323 final.
[8]
Dès septembre 2000, des mandats ont été donnés
à la Commission pour négocier des accords avec le
Maroc, la Russie, le Sri Lanka et le Pakistan, puis en mai 2001
avec Hong-Kong et Macao, en juin 2002 avec l'Ukraine, et enfin en
novembre 2002 avec l'Albanie, la Chine, la Turquie et l'Algérie.
[9]
Bilans dressés à l'issue de la première rencontre
nationale pour le droit d'asile le 23 mars 2002 et à la veille
du Conseil de Thessalonique le 17 juin 2003.
|