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Politique européenne d’asile :
Etat des lieux et inquiétudes de la CFDA
17
juin 2003
« La convention de Genève relative au statut des
réfugiés, qui a permis de fournir protection à
cinquante millions de personnes dans le monde depuis 1951, est
aujourd'hui mise en péril en Europe : les travaux que mènent
les Etats membres de l'Union européenne pour rapprocher
leurs politiques d'asile - dont les organisations non gouvernementales
comme les parlements nationaux sont souvent tenus largement à
l'écart - sont déterminés par le contrôle
des flux migratoires. Destinés à définir
des normes communes à l'horizon 2004, ils ont prioritairement
porté sur des mesures propres à entraver l'accès
des demandeurs aux procédures d'asile, à éviter
d'avoir à examiner leur demande et à mettre en place
des formules de protection au rabais. »
Ce constat établi en mars 2002 par la Coordination française
pour le droit d’asile (CFDA)1 n’est en rien démenti
un an plus tard.
Réunis à Séville en juin 2002, les chefs d’Etat
et de gouvernement ont demandé au Conseil et à la
Commission européenne d’accorder « une priorité
absolue » aux mesures contenues dans le Plan global de lutte
contre l’immigration clandestine adopté un peu plus
tôt et invité les prochaines présidences à
continuer de donner aux questions de migration une « place
privilégiée » dans le calendrier des travaux.
C’est dans ce contexte, nourri de l’obsession sécuritaire
qui s’est imposée après le 11 septembre 2001
au nom de la lutte contre le terrorisme, que se sont poursuivis
sous présidence danoise (juillet-décembre 2002) puis
grecque (janvier-juin 2003) les travaux pour la mise en place du
régime européen commun de l’asile annoncé
au sommet de Tampere en 1999. Mais surtout, parallèlement
à ce processus normatif, une série de mesures ont
été décidées ou mises en place dans
les domaines du contrôle des flux migratoires et de l’éloignement
des étrangers illégaux. La CFDA dénonce le
fait que certaines de ces mesures dites « opérationnelles
», directement applicables en l’absence de tout contrôle
démocratique et de tout cadre légal, pèsent
de façon menaçante sur le droit d’asile.
Ainsi les Etats membres envisagent-ils de s’affranchir de
la responsabilité qui leur incombe de garantir aux demandeurs
d’asile un accès à leurs procédures,
en externalisant l’examen de certaines demandes hors de leur
territoire national. Les Britanniques ont soumis aux Quinze, lors
du conseil Justice et Affaires Intérieures informel de Veria
en mars 2003, un projet de gestion régionale des procédures
d’asile et de création de « centres de traitement
» des demandes. L’idée est inquiétante
mais simple : examiner les demandes d’asile au plus près
des pays d’origine des demandeurs et, pour ce faire, renvoyer
les demandeurs d’asile, dès qu’ils parviennent
en Europe, dans un « centre fermé » localisé
dans un pays tiers le temps de la procédure. Pour sa part,
le HCR a repris et développé l’idée avec
deux nuances : le HCR n’envisage pour l’instant d’externaliser
les procédures d’asile que dans les pays adhérents
à l’Union, et de n’appliquer cette procédure
– dans le cadre d’un examen accéléré
– qu’aux étrangers venant de « pays d’origine
sûrs ». Le HCR semble prêt à mettre en
oeuvre rapidement ses propositions avec les Etats membres qui le
souhaitent. En vue du Conseil de Thessalonique des 20 et 21 juin
2003, la Commission européenne a rendu le 3 juin sur cette
question une communication intitulée Vers des régimes
d’asile plus accessibles, équitables et organisés
dans laquelle elle suggère que la directive concernant les
procédures d’asile en cours de discussion soit «
adaptée de manière à prévoir des mesures
particulières en vue de la mise en place d’un mécanisme
complémentaire pour l’examen de certaines catégories
de demandes introduites sur le territoire de l’Union ou à
la frontière de l’Union » pour aboutir à
un traitement plus rapide des demandes, éventuellement dans
des « centres de traitement fermés installés
sur le territoire de l’Union, à ses frontières
extérieures ».
Dans la perspective du sommet de Thessalonique, la CFDA
a saisi en urgence le Président de la République et
le Premier ministre pour leur demander de s’opposer fermement
à toute mesure s’inscrivant dans une logique de «
délocalisation » de l’asile, ainsi qu’à
la mise en place, que ce soit en Europe ou hors des frontières,
de centres fermés pour demandeurs d’asile.
Régime
commun de l’asile
En application du plan d’action établi lors du sommet
de Tampere d’octobre 1999, plusieurs textes communs ont été
préparés. Quatre d’entre eux font l’objet
d’un commentaire dans ce chapitre : deux textes adoptés
au début de l’année 2003 (la directive sur les
conditions d’accueil et le règlement Dublin II) et
deux textes encore en discussion (la directive relative à
la qualification du réfugié et celle relative aux
procédures).
- Conditions d’accueil
Si la directive relative à des normes minimales pour
l’accueil des demandeurs d’asile a pu être adoptée
en janvier 2003, la CFDA regrette que ce soit au prix du maintien
d’un grand nombre de clauses facultatives là où
la version initiale de la Commission européenne prévoyait
des normes contraignantes. Certains Etats membres se sont
effectivement montrés avant tout soucieux de conserver leurs
prérogatives, comme pour l’accès au droit au
travail pour les demandeurs d’asile (article 11). Les demandeurs
sont censés recevoir une information sur les « avantages
» et leurs « obligations » dans les 15 jours suivant
le dépôt de leur demande (article 5), et recevoir un
« certificat » dans les 3 jours attestant leur statut
« ou » leur autorisation à rester. Mais il n’existe
aucune obligation de remise d’une autorisation de séjour
immédiate (article 6). La Commission reconnaît que
« l’harmonisation sur la question de l’accès
au marché du travail est minimale » et qu’ «
aucune harmonisation n’est prévue en ce qui concerne
la question des membres de la famille ou celle de l’accès
à une formation professionnelle »2.
En
outre, au dernier moment, alors qu’un accord politique était
intervenu entre les Quinze, les Britanniques ont réussi à
faire ajouter une nouvelle restriction : les Etats membres peuvent
limiter les conditions d’accueil si le demandeur n’a
pas introduit sa demande « dans les meilleurs délais
raisonnables » (article 16).
- Responsabilisation d’un Etat membre
Le règlement dit «Dublin II » sur les critères
permettant la détermination de l’Etat membre responsable
d’une demande d’asile, adopté en février
2003, introduit quelques assouplissements en matière de réunification
des familles et de délais de procédure3. Mais il maintient
les principes posés par la convention de Dublin qui interdit
au demandeur d’asile le choix de son pays d’accueil
et qui permet à tout Etat membre de l’envoyer vers
un Etat tiers hors de l’Union (article 3). L’opposition
entre la France et le Royaume-Uni sur l’existence du centre
de Sangatte a trouvé son prolongement dans ce règlement.
La CFDA constate que les Etats membres, déjà
incités par la Convention de Dublin à contrôler
leurs frontières, seront désormais fortement dissuadés
par Dublin II de tolérer sur leur sol des demandeurs d’asile
potentiels. Un Etat membre sera en effet responsable de l’examen
si le demandeur a séjourné « au moins cinq mois
» avant l’introduction de sa demande (article 10).
L’application de Dublin II est
censée être facilitée par l’entrée
en vigueur en janvier 2003 du règlement Eurodac, qui permet
de stocker et de comparer à cette fin les empreintes dactyloscopiques
non seulement des demandeurs d’asile, mais de tout étranger
appréhendé à l’occasion du franchissement
d’une frontière extérieure ou en situation de
séjour irrégulier dans l’un des Etats membres,
et ce à partir de l’âge de 14 ans.
- Statut de réfugié et protection subsidiaire
La proposition de directive établissant des normes minimales
relatives aux conditions [à remplir] pour pouvoir prétendre
au statut de réfugié [ou à] une protection
internationale est encore en discussion. Il y a peu de chances que
le délai d’adoption fixé à Séville
pour juin 2003 soit respecté, principalement à cause
du blocage de l’Allemagne concernant les droits accordés
aux bénéficiaires de la protection subsidiaire. En
effet, si les Etats membres semblent désormais être
d’accord pour écarter, de la définition du réfugié,
toute distinction fondée sur l’origine étatique
ou non étatique de l’auteur des persécutions,
la notion de « protection subsidiaire » ne fait pas
l’unanimité. En France, cette notion a fait son apparition
- dans une acception plus restrictive que l’état actuel
de la proposition de directive - dans le projet de loi sur l’asile
présenté le 15 avril par le gouvernement.
Deux notions introduites par la proposition de directive apparaissent
particulièrement inquiétantes : d’une part,
la vérification d’un possibilité d’asile
interne, à savoir qu’une personne menacée dans
une région de son pays pourrait trouver asile dans une autre
région, au lieu de le demander à l’étranger
; d’autre part la recherche d’une éventuelle
possibilité pour le requérant de demander protection
à tout autre acteur que son Etat, à savoir un parti
ou une organisation qui contrôlerait une partie substantielle
de son territoire. La CFDA considère que l’introduction
de ces notions risque de priver de nombreux demandeurs de toute
protection alors que des exemples récents ont prouvé
que la possibilité d‘une option d’asile interne
n’est pas une forme de protection suffisante et durable4 ;
seuls les Etats internationalement reconnus peuvent offrir une telle
protection effective à leurs ressortissants, ce n’est
pas le cas d’un un parti politique, de puissances occupantes,
ou des groupes armés.
-
Procédures d’asile
Le dernier texte en discussion est la proposition de directive concernant
la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié.
La Commission a rédigé une proposition « initiale
» de directive en septembre 2000 mais les Etats membres ont
désiré un texte moins détaillé et moins
contraignant. La Commission a dû remanier en grande partie
sa copie et a remis une proposition « modifiée »
en juillet 2002. A Séville les chefs d’Etat et de gouvernement
ont demandé que la directive soit adoptée avant la
fin de l’année 2003. La CFDA déplore
l’évolution de ce texte qui a vu diminuer les garanties
fondamentales pour les demandeurs d’asile et augmenter la
liste de clauses de statu quo : elles permettront aux Etats membres
de maintenir, malgré l’adoption de la directive, des
dispositions antérieures moins favorables, par exemple concernant
les demandes d’asile formulées à la frontière
et la notion de « pays d’origine sûr ».
Selon la proposition initiale, le demandeur d’asile était
autorisé à « rester sur le territoire »
tant qu’il n’avait pas été statué
« définitivement » sur sa demande (article 6).
Dans la proposition modifiée, ce droit a été
limité à la période d’examen par «
l'autorité responsable de la détermination »
statuant « en premier ressort ». Une formule serait
ajoutée visant à laisser aux Etats membres la possibilité
d’envoyer des demandeurs vers un autre pays pour l’examen
de leur demande. Les demandeurs d’asile présentant
des risques de fuite et les mineurs accompagnés pourraient
être détenus en cours de procédure (article
17).
Les
garanties applicables aux demandes formulées « à
la frontière » seraient réduites par rapport
aux demandes introduites sur le territoire (article 35). Ainsi,
n’y figureraient par exemple pas le droit d’être
informé des décisions par écrit, d’établir
un contact avec le HCR ou une organisation ainsi que le droit à
la gratuité de l’assistance judiciaire et à
la rédaction d’un procès verbal lors de l’entretien
personnel. Il est proposé d’étendre aux gares
l’application de ces dispositions déjà prévue
pour les zones situées dans les aéroports et les ports.
La Commission a voulu encadrer le recours à la notion de
pays « d’origine sûr » en établissant
des critères très précis dans une liste jointe
en annexe de sa proposition. Certains Etats membres souhaitent réduire
la précision de ce texte, par exemple en supprimant le critère
de « stabilité » du pays concerné, le
caractère « systématique » de l’observation
des normes internationales ou encore la nécessité
de contrôle par des ONG du respect de ces normes.
La proposition de la Commission entérine la notion de procédure
« accélérée » (articles 29 et 32).
Le délai d’examen de la demande d’asile est plus
court et les garanties accordées sont moindres : par exemple,
l’effet suspensif des recours et les délais pour les
exercer sont laissés à l’appréciation
des Etats membres.
Les discussions du Conseil visent à ajouter cinq nouveaux
motifs de mise en procédure accélérée,
la liste des « autres cas» est désormais très
large : y figureraient notamment les cas où le demandeur
a caché son identité ou donné de fausses informations,
où il existe « de sérieuses raisons de penser
qu’il a détruit […] un document d’identité
» ou quand, « sans raison valable », il n’a
pas déposé sa demande d’asile « plus tôt
».
La CFDA estime que le principe de l’effet suspensif
des recours et du droit de rester sur le territoire ou à
la frontière d’un Etat membre pendant l’examen
de sa demande d’asile est essentiel. Dans la proposition
initiale, il était clairement affirmé, même
s’il était assorti d’exceptions (article 39).
Certains Etats membres ont néanmoins réussi à
faire introduire, même dans le cadre de la procédure
normale, une clause de statu quo. La juridiction d’appel pourrait
dans ce cas décider que le demandeur peut rester en cas de
« circonstances particulières », mais cette disposition
comporte elle aussi des exceptions.
Politique de dissuasion des migrants et de persuasion des
Etats tiers
Au Conseil de Séville avait été évoquée
la possibilité de sanctionner, par une mise sous conditions
de l’aide au développement, les pays tiers qui ne coopéreraient
pas à la lutte contre l’immigration illégale
dans l’Union. Si l’idée a finalement été
écartée, la responsabilisation des pays sources ou
de transit de migrants en route pour l’Europe est considérée
comme un axe fondamental de la politique migratoire de l’Union.
Cette question est traitée dans une communication du 3 décembre
2002 de la Commission européenne, Intégrer le problème
des migrations dans les relations de l’UE avec les pays tiers,
qui définit les orientations futures dans ce domaine : à
long terme, « s’attaquer aux causes profondes des migrations
par la mise en place de programmes de développement visant
à éradiquer la pauvreté, à renforcer
les institutions et à prévenir les conflits »
; à court terme, financer, « sur la ligne budgétaire
dédiée à la coopération avec les pays
tiers », des crédits supplémentaires pour «
appuyer de manière spécifique et complémentaire
l’élaboration et la mise en oeuvre des accords de réadmission
».
Sur la base de cette communication, le Conseil a proposé
en mai 2003 de « veiller à ce que le dialogue s’instaure
dans le cadre des accords d’association, de coopération
et autres accords de même nature, actuels ou à venir,
aborde l’ensemble des questions liées à l’immigration
». Dans une communication du 3 juin 20035, la Commission européenne
envisage de « proposer au conseil une base légale visant
à l’établissement d’un programme pluriannuel
de coopération avec les pays tiers dans le domaine de l’immigration,
dont l’objectif sera de répondre aux besoins des pays
tiers d’origine et de transit dans leurs efforts en vue d’assurer
une meilleure gestion des flux migratoires, et, en particulier,
de stimuler les pays tiers dans leur préparation à
la mise en oeuvre des accords de réadmission ». Elle
estime que des mesures d’incitation « visant à
s’assurer de la coopération des pays tiers dans la
négociation et la conclusion d’accords de réadmission
avec la Communauté européenne devraient être
envisagées pays par pays […] compte tenu notamment
de l’importance du pays tiers en termes de flux d’émigration
vers l’Union ».
La CFDA déplore que la notion de « coopération
» soit avant tout conçue comme un moyen de
pression pour obliger les Etats tiers à jouer le rôle
de garde-frontières de l’Union.
Cette logique n’est malheureusement pas sans conséquences
sur la politique d’asile, ainsi qu’en témoigne
la communication de la Commission européenne sur la politique
commune d’asile et l’Agenda pour la protection du 26
mars 2003, qui, invoquant la « masse critique atteinte par
la Communauté en matière de protection » due
en particulier à l’utilisation abusive des procédures
d’asile, invite, en vue d’un « partage plus équitable
du fardeau et des responsabilités », à développer
une véritable politique partenariale avec les pays tiers
et les organisations internationales compétentes. Dans ce
domaine elle mentionne, se référant à l’Agenda
pour la protection proposé par le HCR, la recherche de «
modalités de répartition des responsabilités
afin de soulager la charge supportée par les premiers pays
d’asile et une coopération plus effective pour renforcer
les capacités de protection des pays qui reçoivent
les réfugiés ». L’idée étant
que des pays tiers pourraient, moyennant l’aide de l’Union,
assurer une partie de la protection due aux personnes qui aujourd’hui
viennent jusque dans les pays membres demander l’asile. Dans
cette optique, la Commission recommande que soit entreprise une
réflexion approfondie sur les « possibilités
offertes par le traitement des demandes d’asile hors de l’Union
européenne » et la réinstallation des réfugiés
dans des pays d’accueil, y compris les Etats membres en tant
qu’« instruments complémentaires » à
un système d’asile territorial efficace et équitable.
La CFDA craint que cet objectif de « responsabilisation
» des pays tiers en matière d’accueil de demandeurs
d’asile trouve une expression concrète lors du sommet
de Thessalonique dans l’adoption par les Etats membres d’une
solution d’externalisation de la procédure d’asile
inspirée par la proposition britannique.
Contrôle des frontières
Dans sa communication « vers une gestion intégrée
des frontières extérieures des Etats membres de l’Union
européenne » de mai 2002, la Commission européenne
définit quatre enjeux liés à la sécurité
des frontières intérieures : assurer la confiance
mutuelle entre Etats membres, lutter contre le terrorisme, garantir
un niveau élevé de sécurité à
l’intérieur de l’UE, et « accroître
l’efficacité de la lutte contre l’immigration
clandestine dans le respect des principes du droit d’asile
». La CFDA juge cette dernière réserve
bien formelle car le reste de la communication ne fait à
aucun moment référence aux moyens envisagés
pour le respect de ces principes. Il aurait au minimum été
opportun de rappeler que l’illégalité du franchissement
d’une frontière ne peut être opposé à
un demandeur d’asile … Ce silence est caractéristique
de tous les travaux européens relatifs au contrôle
des frontières.
Dans cette communication, la Commission recense ensuite les outils
nécessaires pour une gestion cohérente, efficace et
commune des frontières. Une bonne partie du dispositif actuel
repose sur l’« acquis Schengen »6 mais l’accent,
selon la Commission, doit être mis sur « une coopération
opérationnelle ne nécessitant pas dans un premier
temps de base juridique formelle » : échanges
d’officiers de liaison avec comme objectif l’assistance
et la coopération permanente entre Etats membres en vue d’une
exécution efficace des contrôles et des surveillances,
accords bilatéraux de coopération policière
pour assurer la lutte contre l’immigration illégale
et la prévention de la criminalité organisée.
Dans cet esprit, une étude de viabilité d’un
corps de garde-frontières européen
qui « exercerait de réelles missions de surveillance
aux frontières extérieures par des équipes
mixtes composées de diverses nationalités, en commençant
peut-être par les frontières maritimes (…) »
a été réalisée au cours de l’année
2002. Elle prévoit notamment la création d’Unités
de réponse rapide ayant pour mission, lors d’une situation
de crise survenue après l’immigration clandestine massive
aux frontières extérieures d’un Etat membre
« de se porter à l’aide des services nationaux
des Etats touchés ». La CFDA se demande à
quel type de « situation de crise » il est fait allusion
et remarquer que l’éventualité d’un afflux
massif de migrants à une frontière est perçue
sous l’angle de la menace qu’il représente pour
les Etats, et non des dangers que peuvent fuir peut-être ces
personnes.
Des opérations expérimentales ont été
menées aux frontières aéroportuaires en 2002
(opération « RIO II ») avec la présence
pendant un mois d’équipes mixtes dans des aéroports
de tous les pays membres de l’UE et dans quatre pays candidats.
Dans sa communication du 3 juin 2003, la Commission émet
une « appréciation […] positive à tous
égards » concernant les projets pilotes et les opérations
conjointes des Etats membres ayant eu lieu. Elle rappelle que toutes
les initiatives opérationnelles de ce type « doivent
s’inscrire dans le cadre institutionnel de l’Union »,
compte tenu du « rôle de coordination de l’unité
commune de praticiens des frontières extérieures ».
Néanmoins, constatant des problèmes d’efficacité,
elle propose la création d’une nouvelle instance «
ayant un caractère nettement plus opérationnel ».
Début 2003, une opération de contrôle des frontières
maritimes, baptisée « Ulysse », associait des
patrouilles maritimes de cinq pays dont la France en Méditerranée
pour arraisonner les embarcations transportant des migrants irréguliers.
La Commission a souligné la « nécessité
d’instaurer un contrôle et une surveillance efficaces
des frontières maritimes extérieures de l’Union
» et précisé qu’elle réalisait
une étude de faisabilité sur le sujet dans sa communication
du 3 juin 2003 précitée.
Là encore, la CFDA constate qu’aucun dispositif
propre à garantir la protection d’éventuels
réfugiés potentiels parmi les étrangers interpellés
ne semble prévu. Il est pourtant plausible d’imaginer
que des demandeurs d’asile démunis de documents de
voyage tentent de franchir ces frontières terrestres ou maritimes.
On se souvient qu’en février 2001 un millier de Kurdes
de Syrie avaient débarqué sur les côtes varoises,
pour se voir attribuer dans leur grande majorité le statut
de réfugié. Qu’en aurait-il été
des obligations de la France en matière de protection si
leur embarcation avait été interceptée par
les contrôleurs d’immigration avant leur échouage
? La CFDA a saisi le ministre de l’Intérieur
et la ministre de la Défense au mois d’avril 2003 pour
connaître les dispositions prises, dans le cadre de l’opération
« Ulysse », en vue d’assurer le respect du droit
d’asile lors des contrôles de navires : elle n’a
pas reçu de réponse.
Politique de rapatriement et de retour
En mai 2001, les Quinze adoptaient une directive sur la reconnaissance
mutuelle des décisions d’éloignement et dès
fin 2001, la Commission faisait des propositions pour une politique
commune en matière de retour.
Dans sa communication relative à une politique communautaire
en matière de retour des personnes en séjour irrégulier
du 14 octobre 2002, la Commission s’appuie sur les conclusions
de Séville et sur le Plan global pour estimer que «
la nécessité de lutter efficacement contre l’immigration
clandestine (est) un élément essentiel de la politique
commune en matière d’immigration et d’asile ».
Elle y présente les conclusions des consultations lancées
à la suite de son Livre vert relatif à une politique
en matière de retour d’avril 2002, qui s’articulent
autour de plusieurs axes:
• la coopération opérationnelle entre Etats
membres : échanges de bonne pratiques en matière de
retour (obtention des documents de voyage nécessaires au
retour, identification des documents, assistance des officiers de
liaison chargés de l’immigration) et
• des mesures communes telles que les opérations de
« retour communes » ou charter européens : selon
la Commission, « les Etats membres doivent s’efforcer
de mettre en place des vols charter communs pour les retours volontaires
et forcés », dont la généralisation «
non seulement présenterait des avantages financiers mais
adresserait aussi un signal plus fort ». Plusieurs vols charters
associant au moins deux Etats membres ont été organisés
en 2003 dont un franco-allemand vers la Côte d’Ivoire
et le Sénégal et un franco-britannique vers l’Afghanistan.
La Commission prépare un projet de lignes directrices relatives
à des mesures de sécurité applicables lors
des rapatriements par voie aérienne.
• l’adoption de normes communes : afin de mettre en
oeuvre de manière efficace cette coopération opérationnelle,
la Commission préconise la création d’un cadre
juridique commun par l’adoption de normes minimales. Elle
prévoit en particulier de créer un cadre juridique
contraignant pour assurer la reconnaissance mutuelle des décisions
d’éloignement (harmonisation de la fin du séjour
l égal, 7 des conditions de détention…) par
une proposition de directive relative à des normes minimales
pour les procédures de retour et la reconnaissance mutuelle
des décisions en matière de retour. Ces normes devraient
garantir à la fois les droits des personnes éloignées
- notamment une mesure de sauvegarde finale pour le non-refoulement
de manière à préserver le respect des obligations
internationales - et l’efficacité de l’éloignement.
La CFDA s’inquiète de ce qu’aucun calendrier
ne soit proposé pour l’élaboration de ces normes,
alors que les mesures opérationnelles ont déjà
été mises en oeuvre (v. ci-dessus).
Le renforcement de la coopération avec les pays tiers constitue
la toile de fond de toute la politique de lutte contre l’immigration
clandestine. En ce qui concerne les retours, l’élément
essentiel pour les Etats membres est de parvenir à conclure
avec les pays tiers des accords de réadmission. La Commission
s’est vu confier le mandat de négocier des accords
de réadmission de leurs ressortissants en situation irrégulière,
ou d’autres étrangers ayant transité par leur
sol, avec un certain nombre d’Etats tiers7. A ce jour, un
seul accord communautaire a été signé, avec
Hong-Kong en novembre 2002. La CFDA regrette qu’aucune référence
à la convention de Genève ou à la Convention
Européenne des Droits de l’Homme ne figure dans ces
accords, qualifiés par le Parlement européen «
d’ambigus ». Avec l’accord de Cotonou signé
en 2000 entre les 70 pays ACP (Afrique Caraïbes Pacifique),
l’Union européenne impose aux Etats signataires la
réadmission de leurs nationaux et prévoit, par une
clause générale, la négociation de futurs accords
pour la réadmission des étrangers qui auraient transité
par leur sol avant d’être interpellés en Europe.
Dans une communication du 3 juin 2003 (précitée),
la Commission souligne que « le signal fort que représente
l’échec d’une politique en matière de
retour des personnes en situation irrégulière ne doit
pas être sous-estimé ». Constatant que «
le principal obstacle au retour n’est pas l’opération
de rapatriement en elle-même mais plutôt le processus
d’obtention de documents de voyage pour les personnes en situation
irrégulière et sans papiers », la Commission
estime « le VIS [système d’information sur les
visas] pourrait faciliter l’identification des personnes sans
papiers, notamment grâce à l’utilisation d’éléments
biométriques. » L’étude de faisabilité
sur ce système d’information sur les visas commun «
recommande que les identifications soient principalement effectuées
sur la base des empreintes digitales ». A la suite de l’évocation
par le Conseil « d’autres éléments d’identification
biométrique » pour « sécuriser encore
d’avantage les visas et les permis de séjour »,
la Commission envisage de modifier ses propositions concernant un
modèle uniforme de visa de titre de séjour en ce sens.
Si la communication d’octobre 2002 porte principalement sur
les retours forcés, elle aborde la question des retours volontaires
et mentionne le cas de l’Afghanistan, censé donner
aux Etats membres et à la Commission « l’occasion
unique de tester l’efficacité de la nouvelle politique
communautaire en matière de retour ». Dans sa communication
du 3 juin, la Commission estime à propos du projet pilote
de retour en Afghanistan qu’il « faudrait à l’avenir
adopter une approche plus intégrée » afin d’
« accroître l’efficacité des ces initiatives
». Le plan d’action du conseil de novembre 2002 prévoit
la mise en place de programmes de retour spécifiques pour
les pays avec lesquels la Commission négocie des accords
de réadmission.
Dans
le même esprit, trois pays de l’Union (Allemagne, France,
Royaume-Uni) ont annoncé à la fin du mois de mai qu’ils
allaient mettre au point d’ici la fin juin 2003 un programme
de rapatriement de dizaines de milliers d’Irakiens sous la
direction des Nations Unies.
La
Convention pour l’avenir de l’Europe
Le conseil de Laeken sur l’avenir de l’Union Européenne
a convoqué, en 2001, une « Convention pour l’avenir
de l’Europe » afin d’ouvrir la voie à une
Constitution pour les citoyens européens. L’objectif
est de travailler sur la refonte des institutions avec pour but
davantage de transparence et de démocratie. La création
de l’Union comme entité juridique permettrait l’adhésion
de l’Union aux conventions internationales telles que la Convention
européenne des droits de l’homme et des libertés
fondamentales.
La Convention doit adresser ses propositions au Conseil européen
de Thessalonique. Son avant-projet de Traité constitutionnel,
intègre la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union
Européenne. Les articles 18 et 19 de cette Charte proclament
le « droit d’asile » et le principe de «
protection en cas d’éloignement, d’expulsion
ou d’extradition ». Si le Traité constitutionnel
est adopté, la Charte, qui a une simple valeur déclaratoire,
entrera dans le corpus juridique communautaire, sans créer
de nouvelles compétences.
La Convention propose que les questions liées au domaine
« Justice et les Affaires intérieures » (dont
font partie l’asile et l’immigration) relèvent
de la procédure de codécision Parlement-Conseil et
soient adoptées par vote à la majorité qualifiée
et (et non à l’unanimité comme actuellement)
; il s’agit d’éviter les situations de blocage.
L’extension à ces questions de la juridiction de la
Cour de Justice des Communautés Européennes, également
prévue, unifierait le système des recours judiciaires
et permettrait une meilleure protection des droits humains au sein
de l’Union.
Le chapitre X du projet de Constitution concerne L’espace
de liberté, de sécurité et de justice. Son
article 11 contient les objectifs et les domaines de compétence
de l’Union en matière d’asile. Plusieurs ONG
en Europe ont adressé au président de la Convention
leurs préoccupations concernant ce chapitre avant son adoption.
Reprenant ces observations, la CFDA regrette notamment que l’engagement
pris à Tampere d’aboutir à un traitement égal
des ressortissants d’Etats tiers avec les ressortissants de
l’Union ne soit pas réaffirmé, que l’article
31 limite trop fortement le rôle des Parlements nationaux
dans le processus décisionnel, que la création d’organes
de l’Union ayant des pouvoirs opérationnels ne soit
pas accompagnée des garanties de contrôle démocratique
indispensables, et demande qu’en référence à
la Convention de Genève figure dans la future Constitution
l’obligation d’assurer l’accès et le traitement
des demandes d’asile sur le territoire des Etats de l’Union.
Notes
:
1-
Constat dressé à l’issue de la première
rencontre nationale pour le droit d’asile le 23 mars 2002.
2- Communication de la Commission du 26 mars 2003 relative à
la politique commune d’asile et l’Agenda pour la protection,
COM (2003)152 final.
3 - Pour la France, les dispositions de ce règlement s’appliquent
toujours uniquement « au territoire européen de la
République » (article 26).
4- Par exemple, les « poches humanitaires » en Bosnie.
5- COM (2003) 323 final, Communication de la Commission européenne
du 3 juin 2003 sur le développement d’une politique
commune en matière d’immigration clandestine, de trafic
illicite et de traite des êtres humains, de frontières
extérieures et de retour des personnes en séjour irrégulier.
6- Déclaration d’entrée sur le territoire européen
pour les étrangers, modalités de délivrance
de visas, consultation du fichier SIS lors de toute interpellation…
7-
Dès septembre 2000, des mandats ont été donnés
à la Commission pour négocier des accords avec le
Maroc, la Russie, le Sri Lanka et le Pakistan, puis en mai 2001
avec Hong-Kong et Macao, en juin 2002 avec l’Ukraine, et enfin
en novembre 2002 avec l’Albanie, la Chine, la Turquie et l’Algérie.
Associations signataires membres de la Coordination française
pour le droit d’asile (CFDA) :
ACAT, Act-Up Paris, Amnesty International Section Française,
APSR, AVRE, Cimade, Comede, Forum Réfugiés, GAS, GISTI,
Ligue des droits de l’homme, MRAP, association Primo Levi,
Secours Catholique, Service National de la Pastorale des Migrants
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