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L'« externalisation » des demandes d'asile
par la création de camps aux frontières de l'Europe
est inacceptable
24
août 2004
Il y
a un an, le Conseil de l’Union européenne rejetait
la proposition britannique d’installer des centres de traitement
des demandes d’asile au-delà des frontières
européennes. Aujourd’hui, l’« externalisation
» par l’Europe de la procédure d’asile
revient en force avec une initiative italo-allemande rendue publique
le 12 août. Sous le nom de « portails d’immigration
» il s’agirait, aux dires du ministre de l’Intérieur
allemand, de créer une « institution européenne
» chargée du tri, dans des camps situés hors
des frontières de l’Union, des demandeurs d’asile
et des migrants souhaitant accéder au territoire européen.
Ce
projet devrait être examiné lors des prochaines discussions
du conseil des ministres de l’immigration des vingt-cinq Etats
membres de l’Union Européenne. Mais, dans le même
temps, on apprend que, sur une initiative italienne, seront mis
en place sans attendre - « d’ici à deux mois
» - des centres de transit en Libye, pour organiser l’expulsion
des migrants qui passent par ce pays, afin d’éviter
qu’ils ne poursuivent leur route vers l’Europe. Et l’on
sait déjà que le futur commissaire européen
chargé des questions d’asile et d’immigration,
Rocco Buttiglione, apporte son soutien à l’idée
de camps délocalisés pour demandeurs d’asile.
Depuis
cinq ans, les instances européennes (Conseil, Commission,
Parlement) travaillent, avec difficulté, à l’élaboration
d’un dispositif d’asile harmonisé sur l’ensemble
du territoire de l’Union européenne – dispositif
caractérisé il est vrai, par un affaiblissement perceptible
des garanties et même de l’accès aux procédures
pour les demandeurs. On ne peut que s’inquiéter de
voir qu’il suffit d’une initiative bilatérale
– fut-elle validée à l’avance par un représentant
de la Commission – pour remettre en cause ce difficile processus
de communautarisation ?
L’externalisation
des procédures d’immigration et d’asile, associée
à la gestion centralisée des candidats réfugiés
dans des camps hors d’Europe, est inacceptable. Affichée
comme la solution aux « problèmes complexes et dramatiques
de l’immigration clandestine et du trafic des êtres
humains », elle n’est en réalité que l’expression
renouvelée d’une politique restrictive de l’accès
au territoire européen, elle-même première cause
de ces drames et appliquée sans nuance aux demandeurs d’asile
en recherche de protection comme aux migrants.
Ce
projet ne fait que traduire la tendance, déjà ancienne,
des Etats occidentaux à s’affranchir de la responsabilité
qui leur incombe en vertu de la Convention de Genève relative
aux réfugiés de garantir aux demandeurs l’accès
à leurs procédures d’asile. Etroitement lié
à la collaboration souvent contrainte de « pays-tampons
» auxquels l’Union assigne, notamment en Afrique du
Nord, la fonction de « cordon sanitaire », il est lourd
de risques pour les personnes qui cherchent une protection internationale.
Pense-t-on raisonnablement que les autorités libyennes, même
si elles ont été récemment adoubées
alliées indéfectibles de l’Union dans la lutte
contre le terrorisme et l’immigration illégale, sont
en mesure d’assurer la sécurité et le traitement
équitable dont les candidats réfugiés peuvent
se prévaloir ? Comment imaginer un traitement juste et approprié
des migrants par un pays comme la Tunisie, dont sont originaires
nombre de demandeurs d’asile et de réfugiés
en Europe ?
Il
y a une cinquantaine d’années, au sein des Nations
unies et du Conseil de l’Europe, les Etats occidentaux ont
souscrit des engagements mutuels pour le respect des droits de l’homme
et des réfugiés. Il s’agissait de tourner définitivement
la page après les heures sombres que l’Europe venait
de vivre. En rejetant les étrangers vers des camps installés
hors de ses frontières, l’Union européenne prendrait
la responsabilité, dans un terrifiant retour en arrière,
de signer le reniement de ses engagements et des idéaux qui
ont présidé à sa construction.
La
CFDA dénonce fermement les projets d’« externalisation
» des procédures d’asile, qui auraient pour conséquence
la généralisation d’un traitement au rabais
des demandes, ainsi que la mise en place, que ce soit dans l’Union
européenne ou hors de ses frontières, de camps pour
demandeurs d’asile et pour migrants, comme il en existe déjà
à Lampedusa et à Malte. Elle appelle les gouvernements
des Etats membres, ainsi que les parlementaires nationaux et européens
à s’opposer à toute mesure de ce type, et à
réorienter de toute urgence la politique d’asile de
l’Union dans le sens du respect du principe de protection.
Premières organisations de la Coordination française
pour le droit d'asile signataires : ACAT (Action des chrétiens
pour l'abolition de la torture), Act-Up Paris, Amnesty International
section française, Cimade (Service oecuménique d'entraide),
FASTI (Fédération des associations de solidarité
avec les immigrés), GAS (Groupe accueil solidarité),
GISTI (Groupe d'information et de soutien des immigrés),
LDH (Ligue des droits de l'homme), Association Primo Levi (soins
et soutien aux victimes de torture et de violence politique)
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