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L'asile
pendant la Présidence française de l'UE*
Peu
de résultats dans le domaine de la protection des réfugiés,
beaucoup de mesures pour renforcer le contrôle des flux migratoires
Communiqué
18 janvier 2001
Lors
de la réunion du CERE à l'Assemblée nationale
le 11 mai 2000, un représentant du ministère de l'Intérieur
avait présenté aux associations présentes les
priorités de la Présidence française. En fait,
pendant ses six mois de Présidence, la France aura peu proposé
dans le domaine de l'asile mais beaucoup pour renforcer le contrôle
des flux migratoires (sanctions à l'encontre des transporteurs
et des passeurs, réseau des officiers de liaison, initiatives
en matière de lutte contre l’aide à l’entrée,
la circulation ou le séjour irréguliers d’un
étranger). Ces mesures auront sans doute comme conséquences
de rendre plus difficile l'accès aux procédures d'asile
pour des personnes devant fuir leur pays et rechercher une protection
internationale. Les chefs d'Etat et de gouvernement avaient pourtant
déclaré à Tampere en 1999 que leur objectif
était «une Union européenne ouverte et sûre,
pleinement attachée au respect des obligations de la Convention
de Genève et des autres instruments pertinents en matière
de droits de l'homme" et la France en avait revendiqué
la paternité partagée avec l’Allemagne et la
Grande-Bretagne. En plus du souci des Etats membres de préserver
la souveraineté nationale pour ces questions, la multiplicité
des interlocuteurs au niveau français et la nécessité
de nombreux arbitrages interministériels dans le domaine
de l’asile et des questions connexes n’ont pas non plus
facilité les avancées.
La
Charte des Droits fondamentaux
Le Conseil européen de Nice a adopté définitivement
la Charte des Droits fondamentaux clôturant ainsi un processus
de rédaction d'une année auquel nombreux représentants
de la société civile ont pu participer. A ce stade,
ce texte n'a pas de valeur juridique contraignante. Le droit d'asile
est inscrit à l'article 18 (chapitre II: Libertés):
"Le droit d'asile est garanti dans le respect des règles
de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 et du Protocole
du 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés
et conformément au Traité instituant la Communauté
européenne". Il est regrettable que la référence
au traité d'Amsterdam limite la portée de cet article
en renvoyant aux dispositions du Protocole dit "Aznar"
qui exclut en principe l'examen par les Etats membres d'une demande
d'asile présentée par un ressortissant de l'UE.
On peut se réjouir en revanche que l'article 19.2 de la Charte,
en énonçant que "Nul ne peut être éloigné,
expulsé ou extradé vers un Etat où il existe
un risque sérieux qu'il soit soumis à la peine de
mort, à la torture ou à d'autres peines ou traitements
inhumains ou dégradants", affirme l'importance du principe
de non-refoulement.
*Document préparé pour la Coordination par P. Delouvin
(AI), V. Planès (Forum Réfugiés) et C. Rodier
(Gisti).
Droit
d'asile
•
La Convention de Dublin et EURODAC
Le débat sur le devenir de la Convention de Dublin avait
démarré en mars 2000 par l'examen d'un document de
travail de la Commission européenne. Celle-ci présentera
en mars 2001 une proposition de règlement communautaire devant
remplacer la Convention mais les critères changeront probablement
peu, à part quelques "améliorations inspirées
par l'expérience" . Le lien probablement maintenu entre
admission d'un étranger sur le territoire et responsabilité
de l'examen de sa demande d'asile ultérieure risque à
nouveau de dissuader les Etats membres d'ouvrir leurs portes.
Si la nouvelle mouture de la Convention de Dublin n’est pas
encore adoptée, son corollaire, la Convention Eurodac pour
la comparaison des empreintes digitales, a été adoptée
le 11 décembre 2000 sous forme de règlement communautaire.
Son contenu n’est pas sans soulever quelques inquiétudes
notamment sur l’âge des personnes concernées
(à partir de 14 ans) et sur les problèmes relatifs
au traitement et à la conservation des données. Eurodac
vise à aider à l'identification du pays responsable
du traitement d'une demande d'asile ou de l'éloignement d'un
débouté. Cette base centrale informatisée de
données dactyloscopiques concerne les demandeurs d'asile
mais aussi les personnes appréhendées à l'occasion
du franchissement irrégulier d'une frontière extérieure
de l'UE ou en situation irrégulière sur le territoire
de l'un des Etats membres. Chaque Etat membre y aura accès
et y entrera les données afin de reconstituer le parcours
des étrangers depuis leur arrivée sur le territoire
de l'UE jusqu'à leur éventuel refoulement.
• Les conditions d'accueil des demandeurs d'asile
En 2000, la Commission a entrepris une étude comparative
sur les conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans les 15
Etats membres. La Présidence française souhaitait
faire de cette question une de ses priorités et a distribué
une première note d'orientation dès le mois de juillet
contenant des dispositions intéressantes. L'essentiel de
ses recommandations a été repris par le Conseil Justice
et Affaires intérieures (JAI), lors de la session des 30
novembre et 1er décembre, sous la forme des Orientations
pour le futur instrument communautaire sur les conditions d'accueil
des demandeurs d'asile. La Commission est invitée à
prendre en compte ces orientations pour l'élaboration d'un
futur instrument communautaire.
Les Etats sont encouragés à assurer aux demandeurs
d'asile « des conditions de vie décentes pendant toute
la durée de la procédure" et la détention
« du simple fait qu'ils sont demandeurs d'asile » est
exclue. Si leur droit à l'information est consacré,
ainsi que l'accès aux soins médicaux et la scolarisation
des mineurs, le principe d'un "droit au séjour"
n'est pas repris. En outre, des oppositions subsistent à
la liberté de circulation des demandeurs et la discussion
reste ouverte quant à leur accès au travail et à
l'application du texte aux bénéficiaires de la protection
subsidiaire.
• Les garanties de procédure
Faisant référence à une résolution datant
de 1995, la Commission a présenté au Conseil JAI de
septembre 2000 une Proposition de directive relative à des
normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait
du statut de réfugié. L'objectif affiché est
l'accélération des procédures, avec notamment
un système " simple et rapide de traitement des demandes
d'asile […] qui ne comporterait qu'un seul recours ou une
seule révision et la possibilité de faire appel devant
une juridiction d'appel ". En ce qui concerne les droits de
demandeurs pendant la procédure, la proposition reprend des
garanties qui figuraient dans la résolution de 1995 (droit
à un entretien personnel, de se mettre en rapport avec des
organisations ou des personnes susceptibles d'apporter une assistance,
droit à un interprète et de faire appel d'une décision).
Malheureusement, le texte reprend et développe également
les notions de pays tiers sûr ou de premier asile, de pays
d’origine sûr, de procédure accélérée
et de demandes manifestement infondées. Ainsi, l’accès
à une procédure d’asile complète, satisfaisante
et individuelle n’est toujours pas garanti. La prévision
d'adopter une proposition de directive en avril 2001 a peu de chance
d'être respectée.
•
Le Fonds Européen pour les Réfugiés
Le Fonds Européen pour les Réfugiés (FER) a
pour vocation de " soutenir et encourager les efforts consentis
par les Etats membres pour accueillir des réfugiés
et des personnes déplacées et supporter les conséquences
de cet accueil ". Le FER combine en un programme unique des
actions structurelles dans les domaines de l'accueil des demandeurs
d'asile, de l'intégration des réfugiés et de
l'aide au retour. Il est doté d'un budget de 216 millions
d'euros pour une période de cinq années. Après
de laborieuses négociations, ce Fonds a été
adopté par le Conseil le 28 septembre 2000. Les modalités
de mise en œuvre de ce Fonds sont largement décentralisées,
la sélection et la gestion des actions incombant aux Etats
membres. Des fonds 2000 ont pu être débloqués
et la vigilance continue de s’imposer quant à la transparence
de la sélection des projets et l’utilisation de ces
moyens financiers supplémentaires issus du budget communautaire.
• La protection temporaire en cas d’afflux massif de
personnes déplacées
Sur ce dossier, la Commission avait proposé un projet de
directive en mai 2000. La France a déposé une note
en sept points dès le mois de juin 2000. Elle insistait sur
la prééminence de la Convention de Genève mais
semble désormais accepter la suspension de son application
pour deux années en cas d'afflux massifs. Le débat
est sans doute loin d'être clos.
• Le regroupement familial
Fin 1999, la Commission européenne avait rendu publique une
proposition de directive relative au regroupement familial dont
la philosophie générale est l’instauration d’un
droit au regroupement familial pour les ressortissants de pays tiers
déjà résidents, y compris les réfugiés
statutaires et les bénéficiaires d’une forme
de protection subsidiaire. Apès amendements du Parlement
européen, la nouvelle version de la directive exclut les
personnes couvertes par une forme de protection subsidiaire de son
champ d’application, en raison de l’absence d’homogénéité
du concept de “protection subsidiaire” au sein des Etats
membres. Une initiative sur le statut de ces personnes devrait être
introduite par la Commission au cours de l’année 2001.
Contrôle
des flux migratoires
La maîtrise des flux et la lutte contre l'immigration illégale
ont été parmi les priorités de la Présidence
française. De nombreux accords ont été conclus:
reconnaissance mutuelle des décisions d'éloignement,
mandat de négociation par la Commission d'accords de réadmission
, listes de pays soumis ou exemptés de visas. Un réseau
d'"officiers de liaison" a été recommandé
dans un plan d'action proposé en juillet 2000. Le Conseil
JAI de novembre a consacré cette notion et invité
les Etats membres à renforcer la coopération entre
ces agents présents dans un même pays ou une même
région, pays sources d'immigration ou de transit. Durant
sa Présidence, la France a organisé trois séminaires
dans ces domaines et il est particulièrement regrettable
qu’aucun séminaire n'ait été consacré
aux questions d’asile et que les associations et le HCR n'aient
pas été autorisés à assister à
celui consacré à la lutte contre les filières
d'immigration clandestine.
• Le Groupe de haut niveau asile et migrations
A ce sujet, la France dit avoir donné l'impulsion décisive
à ses travaux. Le rapport d'étape sur l'évaluation
des six premiers plans d'action et les futures perspectives a effectivement
été adopté par le Conseil européen de
Nice le 7 décembre. Il est regrettable que les plans d'action
ne proposent pas une réelle stratégie destinée
à s'attaquer aux violations des droits humains et mettent
davantage l'accent sur les mesures de contrôle des flux. Il
est malheureusement plus facile de mettre davantage de policiers
à nos frontières que de demander aux Talibans de cesser
de persécuter les Afghans.
• Une directive sur la responsabilité des transporteurs
La France a formulé une proposition de directive sur l'harmonisation
des sanctions à l'égard des compagnies acheminant
des passagers démunis des documents requis . Selon ce texte,
il est essentiel qu'un tel dispositif «ne porte aucun préjudice
à l'exercice du droit d'asile »; de même, les
transporteurs aériens, maritimes ou terrestres ne seraient
pas sanctionnés si les passagers sont « admis sur le
territoire au titre de l'asile ». La France suggère
que la sanction soit « dissuasive », d'un montant minimal
de 2000 euros par personne et que les Etats membres soient libres
d'adopter des mesures plus sévères. Lors du Conseil
JAI, des réserves ont été émises, que
ce soit sur l'attribution des sanctions par personne transportée
ou par transporteur poursuivi ou sur le montant entre 3000 et 5000
euros.
• Des mesures destinées au contrôle des flux
migratoires et des sanctions à l'encontre des passeurs
La Présidence française a proposé en juin 2000
deux documents afin de mieux définir "l'aide à
l'immigration irrégulière » et de "renforcer
le cadre pénal» pour la répression de cette
infraction. L'objectif est de faire adopter par chaque Etat membre
des sanctions à l'encontre de quiconque aide ou tente d'aider
un étranger à pénétrer, à séjourner
ou à circuler sur le territoire d'un Etat membre. Lors de
sa session des 30 novembre et 1er décembre, le Conseil JAI
a procédé à un échange de vues sur ces
projets. Selon le compte-rendu, le Conseil apporte "la plus
grande attention au respect des activités des organisations
humanitaires, apportant bénévolement leur aide aux
immigrés en situation irrégulière, ainsi qu'à
la protection des victimes du trafic d'êtres humains"
mais les textes ne contiennent aucune référence aux
obligations internationales souscrites par les Etats envers les
réfugiés et les demandeurs d’asile. En outre,
la question de l'exigence d'un but lucratif comme élément
constitutif de l'infraction "n'a pas trouvé de réponse
unanime". On peut cependant encore espérer que les textes
ne seront pas adoptés comme tels. En effet, les réserves
principales émanent notamment de la Suède et la Belgique,
les 2 Etats exerçant les prochaines Présidences de
l’UE, réserves en particulier sur la question des sanctions
et sur l’inclusion d’une clause humanitaire pour protéger
le travail des organisations d’aide aux étrangers.
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