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Création
d’une Allocation temporaire d'attente :
une gestion comptable de l'accueil des demandeurs d'asile
Novembre
2005
Le
projet de loi de finances 2006 contient dans son article 88 une
importante réforme des allocations versées aux demandeurs
d'asile lorsqu'ils ne sont pas pris en charge dans le dispositif
national des centres d'accueil. Reprenant les conclusions du rapport
de la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) de
la commission des Finances de l'Assemblée nationale (rapport
de Madame des Esgaulx de juillet 2005), le projet de loi de finances
substitue à l'allocation d'insertion une « allocation
temporaire d'attente » et en précise les conditions
de versement.
La
CFDA souhaite par la présente note apporter ses recommandations
notamment au regard des normes minimales européennes, recommandations
déjà exposées dans plusieurs documents, notamment
10 conditions minimales pour un réel droit d'asile en octobre
2001 et Directive accueil : des chantiers encore ouverts en mai
2005.
•
Il faut d'abord apprécier que cette allocation puisse être
versée pendant toute la durée de la procédure
y compris aux demandeurs d’asile âgés de plus
de 65 ans qui ne pouvaient prétendre à l'allocation
d'insertion. En outre, il est enfin prévu une allocation
pour les bénéficiaires de la protection subsidiaire,
de la protection temporaire et pour les victimes de la traite des
êtres humains. Cependant, la CFDA s’inquiète
du lien qui semble être fait entre ces améliorations
et des mesures de réduction des délais de procédure
qui seraient préjudiciables pour les demandeurs .
•
Le projet de loi exclut du bénéfice de l'allocation
de nombreux demandeurs d'asile. L'allocation ne serait versée
qu'aux personnes majeures, qui ont déposé une demande
d’asile et sont titulaires d'un titre de séjour, le
projet exclut ainsi :
- les jeunes de 16 à 18 ans qui aujourd’hui peuvent
prétendre à l’allocation d’insertion ;
- les demandeurs d'asile faisant l'objet d'une procédure
Dublin II (ce règlement ne s’applique qu’aux
« demandeurs d’asile ») ou de procédures
prioritaires (ressortissants des pays d'origine sûrs, recours
jugés abusifs à l’asile… soit près
de 25% des demandes en France) qui, concrètement, n’ont
pas accès aux CADA, voire aux dispositifs de prise en charge.
Le projet de loi ne satisfait pas à la norme minimale européenne
qui prévoit une assistance pour tous les demandeurs d'asile
.
*
La CFDA demande que la réglementation soit réformée
pour que les droits contenus dans la directive soient accessibles
à l’ensemble des demandeurs d’asile, quelle
que soit leur situation (demande à la frontière,
procédure normale, prioritaire ou Dublin, réouverture
de la demande).
• L'allocation sera versée tardivement : le projet
de loi ne prévoit un versement que lorsque la demande d'asile
est enregistrée auprès de l'OFPRA. Or le décret
du 14 août 2004 prévoit un délai possible d'un
mois et demi avant cet enregistrement effectif, délai pendant
lequel le demandeur ne bénéficierait d'aucune aide.
Pourtant il s’agit d’une période cruciale pendant
laquelle il doit transmettre sa demande rédigée en
français dans un délai de vingt et un jours. Le projet
de loi ne satisfait donc pas aux exigences minimales contenues dans
l'article 13 de la directive qui prévoient une allocation
matérielle ou financière à tous les demandeurs
d'asile dès leur admission au séjour.
*
La CFDA estime qu’il est nécessaire de créer
une Allocation ponctuelle pour le nouvel arrivant dès son
arrivée sur le territoire dans l’attente de l’allocation
plus pérenne et pour permettre de prendre en charge les
frais liés à la procédure (traduction, transports…).
•
L'allocation ne prévoit toujours pas de prendre en compte
la composition familiale et resterait très en deçà
des minima sociaux (RMI) : en effet, son montant serait identique
à celui de l'allocation d'insertion actuelle (9,84 €/jour/adulte).
Déjà insuffisant pour une personne seule, ce montant
est plus que dérisoire pour une famille. Ainsi une demanderesse
d'asile accompagnée de cinq enfants ne recevrait toujours
que moins de 10€ par jour puisqu’elle n’est pas
bénéficiaire des prestations familiales.
•
La CFDA rappelle sa revendication, exprimée dès
octobre 2001, d'une allocation permettant de vivre dignement (au
moins équivalente au RMI) pendant toute la durée
de la procédure avec prise en compte de la composition
familiale et modulable selon le mode d'hébergement.
Le
projet de loi introduit des possibilités de refus de l’allocation
et renforce le contrôle. Le nouvel article L.351-9-1 du code
du travail prévoit la possibilité de refuser le bénéfice
de cette allocation au demandeur qui refuserait une proposition
d'accueil dans un centre d'hébergement spécialisé
ou, en cas d'absence de proposition, n'attesterait pas d'une adresse
de domiciliation effective.
Le
projet de loi prévoit également que les ASSEDIC «
sont destinataires mensuellement des « informations relatives
aux offres de prise en charge qui ont été formulées
ainsi qu'aux refus auxquels celles-ci ont, le cas échéant,
donné lieu » et celles relatives « à l'état
d'avancement de la procédure d'examen du dossier de demande
d'asile ». Les Assedic devraient alors contrôler, plus
fréquemment que les préfets, la situation administrative
et sociale des demandeurs d’asile sans que des moyens supplémentaires
ne soient prévus. Avec l’expérience des dysfonctionnements
qui interviennent aujourd’hui lors de contrôles au terme
du 1er semestre de versement de l’allocation d’insertion
(suspension pour contrôle des droits pour une seconde période),
la CFDA redoute une multiplication des dysfonctionnements et des
suspensions qui pénaliseraient à tort les demandeurs
d’asile.
-
La CFDA s'étonne que ces dispositions restrictives soient
introduites alors que le dispositif national d'accueil n'est pas
en mesure de satisfaire aujourd'hui les besoins d'hébergement
exprimés (à peine 15% des demandeurs d'asile ont
eu accès aux CADA en 2004).
-
La CFDA s'interroge sur la compatibilité de ces possibilités
de refus au regard de l'article 16 de la directive européenne
qui ne prévoit pas ce cas de figure. Elle craint que la
notion de domiciliation effective contenue dans la loi ne préfigure
une assignation à résidence des demandeurs d'asile
dans un département, contraire au principe constitutionnel
de liberté d’aller et venir.
- A la situation très dégradée de l'accueil
des demandeurs d'asile en France, le projet de loi de finances
donne une réponse de gestion comptable. Si ces mesures
réduisent à la marge le coût financier pour
le budget de l'Etat, le coût humain risque d'être
dévastateur.
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