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Conditions
d’accueil des demandeurs d’asile : lettre au Premier
ministre et au ministre des Affaires sociales, du travail et de
la solidarité
Aujourd’hui,
la caractéristique principale des conditions d’accueil
des personnes qui viennent demander une protection à la France
est une grande précarité qui conduit un trop grand
nombre à dépendre de secours incertains, voire à
recourir à la mendicité. On ne compte plus les familles
et les personnes isolées hébergées dans des
conditions indignes, voire laissées à la rue faute
de places suffisantes dans des Centres d’accueil pour demandeurs
d’asile (CADA) ou des centres d’urgence. Les places
manquent aussi dans les Centres provisoires d’hébergement
(CPH), contraignant des réfugiés à se maintenir
durablement en CADA ce qui diminue d’autant l’offre
d’hébergement pour les nouveaux arrivants. Par ailleurs,
des associations qui prennent le relais de l’Etat dans le
cadre de conventions se trouvent mises en péril du fait de
retards des subventions correspondantes, d’autres voient leurs
locaux occupés par des demandeurs désespérés
du fait de l’interruption des financements de l’Etat.
Le
5 juin 2003, le ministre des Affaires étrangères reconnaissait
lui-même en présentant à l’Assemblée
nationale son projet de réforme du droit d’asile que
le dispositif d’asile est engorgé et il ajoutait :
“ pendant tout cette attente, quelles conditions de vie offrons-nous
à ces femmes et à ces hommes ? comment ne pas voir
que la précarité ainsi subie entraîne avec elle
son cortège de souffrances, d’incertitudes, de fragilité
qui exposent à toutes les dérives et toutes les mafias
? De fait, les centres d’accueil des demandeurs d’asile
sont aujourd’hui saturés et beaucoup de demandeurs
ont désormais recours au dispositif d’urgence prévu
pour les sans abri ”.
Il
y a aujourd’hui une situation d’urgence pour laquelle
la Coordination française pour le droit d’asile (CFDA)
vous demande de trouver une solution sans délai. Depuis de
nombreux mois, la CFDA vous a alertés à plusieurs
reprises sur les difficiles conditions d’accueil des demandeurs
d’asile en France et tient aujourd’hui à rappeler
ses recommandations et ses inquiétudes.
La
CFDA rappelle une nouvelle fois, en référence à
ses “ 10 Conditions minimales pour un réel droit d’asile
en France ” d’octobre 2001, l’importance d’un
hébergement, de moyens de subsistance et d’un accompagnement
administratif, juridique et social qui représentent les exigences
minimales d’une politique d’accueil pour assurer les
conditions matérielles indispensables pour rédiger
leur dossier de demande d’asile et ainsi faire valoir convenablement
les raisons qui ont contraint les demandeurs à fuir leur
pays.
La
CFDA a régulièrement demandé que tout projet
modifiant les conditions d’accueil des demandeurs d’asile
veille à ce que les garanties du système d’accompagnement
ne soient pas amoindries. La CFDA, tout en étant consciente
des efforts déjà consentis par les pouvoirs publics,
demande que des mesures soient prises de toute urgence, sans attendre
la mise en œuvre des nouvelles dispositions de la future loi
sur l’asile qui ne résoudront pas seules la crise de
l’accueil des demandeurs d’asile.
1.
Le système d’hébergement pour
les demandeurs du statut de réfugié présente
en France une originalité à maintenir : la liberté
de choisir sa solution, soit individuelle, soit collective en CADA.
Pour que ce choix soit réel pour tous les demandeurs d’asile,
l’offre en places collectives doit être suffisante et
le soutien apporté équivalent dans chacune de ces
formules : accompagnement social et juridique spécifique,
accès aux soins et plus généralement toutes
formes d’aides à la vie courante. Pour manifester une
solidarité nationale dans l’accueil, des places collectives
en CADA doivent être prévues plus largement sur le
territoire avec une instance de régulation nationale coordonnant
des commissions locales d’admission.
2.
Fin 2002, la CFDA estimait déjà à 24 000 le
nombre total de places nécessaires en CADA ; aujourd’hui,
malgré des ouvertures en 2003, ce sont au moins 15
000 places supplémentaires qui manquent encore pour
que les demandeurs d’asile puissent bénéficier,
pendant toute la durée de la procédure, d’un
hébergement stable, de moyens de subsistance suffisants et
d’un accompagnement social, administratif et juridique. Plutôt
qu’un hébergement coûteux à l’hôtel,
15 000 places réparties dans les départements ou régions
permettraient un accueil partagé et solidaire des demandeurs
d’asile sur l’ensemble du territoire national.
3.
L’accompagnement social et juridique doit
être rendu possible pour tous les demandeurs, tant pour la
procédure que pour la vie courante : une information de qualité
est indispensable dans une langue comprise par l’intéressé.
Cet accompagnement doit être organisé et accessible
dans chaque département. La préconisation par les
pouvoirs publics de la mise en place de plates-formes d’accueil
des demandeurs n’apportera une réelle amélioration
que si des moyens suffisants sont fournis en matière de domiciliation,
de places d’hébergement, d’aide alimentaire,
de suivi social et administratif et d’accès aux soins.
La coordination des prestations offertes pourrait ainsi répondre
aux besoins immédiats d’une population fragilisée
au moment de son arrivée en France, avant l’admission
en CADA.
4.
Du fait de l’impossibilité actuelle d’héberger
dans des CADA les demandeurs qui le souhaitent, des formules
d’urgence ont été mises en place en
divers lieux de France sous forme de nuitées d'hôtel
: pour la région parisienne, la Coordination d’accueil
des familles demandeurs d’asile (CAFDA), qui prend en charge
dès leur arrivée les familles demandeuses d’asile,
assure aujourd’hui l’hébergement en hôtel
de plus de 1400 familles, soit 4700 personnes. Cette plate-forme
voit depuis sa création il y a trois ans l’effectif
croître sans que le financement de son budget de fonctionnement
corresponde aux besoins de l’accompagnement. Ces solutions
d’urgence ne prévoient pas toujours l’accompagnement
social et juridique mais, en l’absence d’autre solution,
la CFDA estime nécessaire de maintenir les hébergements
en hôtel pour ces demandeurs d'asile, sachant que de nombreux
autres sont déjà à la rue ou dans des squatts
du fait de l’insuffisance de places en CADA.
5.
Pour les demandeurs d’asile qui ne sont pas hébergés
en CADA, les aides financières pendant les
procédures doivent être d’un niveau respectant
la dignité de chaque personne. Elles peuvent être versées
en plusieurs temps : une « allocation d’attente »
ponctuelle au nouvel arrivant, une allocation pour vivre dignement
(au moins équivalente au RMI) pendant toute la procédure
avec prise en compte de la composition familiale (modulable selon
les solutions d’hébergement) et une allocation pour
les besoins liés aux procédures : traductions, bons
de transports pour honorer les convocations, frais d’avocat.
Aujourd’hui, la remise en question de l’allocation «
d’attente », si elle est effectivement envisagée,
suscite de vives inquiétudes.
La
mise en place de l’Agence française pour l’accueil
et les migrations internationales (AFAMI) va englober le Service
Social d’Aide aux Emigrants (SSAE) membre de la CFDA.
La CFDA ne conteste pas la nécessité d'une relance
de la politique d’intégration, mais insiste pour que
cette relance ne se fasse pas au détriment de l’accueil
des demandeurs d’asile. Par son ancrage territorial (47 bureaux
départementaux), l’autonomie d’intervention de
ses représentants et son rôle dans le réseau
local associatif et institutionnel, le SSAE a toujours représenté
un maillon important du dispositif d'accueil des demandeurs d’asile.
6.
La communication et l’autonomie des personnes
doivent être favorisées dès le début
de la procédure : interprétariat, apprentissage de
la langue, mise en relation avec l’environnement. L’accès
à la formation professionnelle doit être immédiat,
le droit au travail doit être rétabli.
7.
Au-delà du problème de l’hébergement,
se pose la question de l’accueil des demandeurs d’asile
dès leur présentation en préfecture.
Il est anormal de constater que de nombreuses préfectures
refusent l’admission au séjour de demandeurs pour des
motifs illégaux (refus d’accepter les attestations
de domiciliation par exemple) les renvoyant ainsi dans d’autres
départements et les exposant, en cas de contrôle, à
se voir appliquer des mesures d’éloignement. Cette
question est indissociable de celle de l’hébergement
: ce qui se passe aujourd’hui à Paris, Lyon, Marseille
et dans d’autres villes de France est le résultat direct
de ces pratiques préfectorales auxquelles la CFDA vous demande
de veiller à ce qu’il soit mis fin.
8.
Enfin, une approche interministérielle est
nécessaire pour coordonner la question des réfugiés
: divers ministères sont chargés chacun de la partie
qui le concerne, mais en cas de dysfonctionnement d'un dispositif,
c’est l’ensemble du système qui se paralyse et
induit des effets pervers. Cette coordination doit veiller à
la cohésion des dispositifs dans la transparence et agir
dès les premiers signes émanant notamment des associations
concernées et nécessitant l'intervention des instances
publiques. Dans son action concernant le projet de loi relative
au droit d’asile, la CFDA a demandé que ne soit pas
supprimé le représentant des organisations du Conseil
d’administration de l’OFPRA, seul lieu formel où
des échanges sont possibles entre les représentants
des ministères et celui des associations compétentes.
7
juillet 2003
Le
Secrétariat de la Coordination française pour le droit
d’asile est assuré par : Amnesty International, La
Cimade, Le Comede, Ligue des Droits de l’homme
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